Retrouvailles

[Docteur Clack]

Nous nous voyions régulièrement. Nos jeux étaient aussi enthousiastes que drôles. Et puis la vie nous a quelque peu éloignés mais nous étions restés en contact. Un petit message amusé et nostalgique de temps à autres. Des nouvelles anodines ou importantes. Discrètes. Respectueuses de la vie de l’autre. Et toujours ce sentiment de complicité naturelle.

Et puis après quelques années les circonstances ont permis qu’on puisse envisager de se revoir. Davantage de messages, de photos amusantes et toujours autant de pudeur. Nous avons sûrement changé, l’une et l’autre. Que va-t-il se passer ? Retrouverons-nous les mêmes sensations, le même contact ? Sûrement non. Et pourtant l’envie revient. Les mêmes battements de coeur en découvrant la prose clandestine, les mêmes sourires devant l’ironie et l’autodérision. Et cette envie d’aller au bout des souvenirs jusque dans la réalité.

La première partie du voyage se passe bien. Sentiment étrange et surnaturel lors du premier coup de fil. La voix est moins haut perchée mais l’humour fait toujours mouche. Toujours la même pudeur dans les allusions pour faire monter le désir. Nous sommes à l’aise, comme si nous nous étions vus encore la semaine dernière.

Puis vient le moment de se revoir enfin. Magie du destin, les mêmes galères de transport que naguère retardent la rencontre et font monter la pression. Puis la détermination l’emporte devant le découragement. Nous ne manquerons pas cette occasion. Nous voulons trop savoir. Savoir si l’image que chacun a de l’autre av se briser sur la réalité ou si celle-ci va amener une nouvelle surprise tout aussi belle.

Puis je la vois. Je reconnais sa chevelure dans le taxi. Je me lève. Elle se déplie et vient vers moi en souriant. Sa silhouette a pris plus d’ampleur, comme la mienne, mais son regard me transperce directement. Je retrouve les frissons que j’ai connus. Son sourire s’attendrit. Elle m’embrasse comme du bon pain et me serre dans ses bras.

Nous déjeunons gaiement en parlons de nos vies puis elle m’entraîne par le bras le regard gourmand. Elle a beaucoup changé en effet mais le plaisir d’être ensemble est là. Plus de sérénité, plus de calme aussi, et d’assurance. Nous nous connaissons tellement bien ! Et la vie a poli nos caractères comme nos corps.

Dans la chambre nous nous serrons encore puis je lui enlève son lourd manteau et son écharpe. Elle accompagne le mouvement avec la même solennité qu’autrefois. Sa dance est plus lente. Elle sourit plus et baisse moins les yeux. Puis elle frissonne avec le même mélange de gourmandise et d’appréhension.

“Je suis moins habituée maintenant que je vis à la campagne et que je suis plus rangée. Tu feras attention ?” me dit-elle. “Naturellement” lui dis-je en lui levant la main comme au Bochoï et en la conduisant doucement vers le canapé. Elle s’arrête en pivotant face à moi et joint ses mains devant son bas ventre pour enlever juste le bouton de son pantalon. Son regard m’invite à poursuivre. Je l’enlace à nouveau et mes mains détourent la ceinture. Bruissement de tissu. Je m’assieds et elle s’allonge sur moi dans le même geste. La culotte glisse doucement révélant un derrière voluptueux que je découvre sans vraiment le reconnaître. Elle rit doucement et serre les jambes pour se soulever légèrement faisant frémir ses rondeurs. Le signal habituel pour dire qu’elle est prête.

C’est bien elle ! Les premières claques tombent doucement avec beaucoup de caresses. J’ai besoin de prendre la mesure de ce corps nouveau. Ses soupirs sont plus appuyés que dans mon souvenir. Elle se tortille davantage mais rit toujours. Je continue un peu pataud. Cette fois c’est moi que je ne reconnais plus.

Elle se redresse légèrement pour me frôler la joue avec son nez et me chuchoter “vas-y” avant de se laisser couler à nouveau sur moi. Je m’enhardis et j’accélère. Et là je retrouve l’ondulation de bas en haut que je lui connaissais et la musique de ses cris entrecoupés de protestations et de rires qui me plaisait tant. Elle se débat plus fort mais m’encourage également plus.

La rougeur commence à la gagner et ses vocalisent se font plus graves elle s’abandonne. La gesticulation des ses mains qui empoignent un coussin pour s’accrocher les yeux mi-clos m’est familière. Nous nous synchronisons, claques et cris étouffés entrecoupés de ses commentaires d’encouragement, pour elle-même cette fois.

Nous nous sommes reconnus. C’est bien elle. C’est bien moi.

[Christal]

C’est beau. À la lecture si fluide, mon petit cerveau à mis les images en mouvements. Une sorte de bande annonce de film dans ma tête avec une jolie bande son et une lumière teintée de romantisme.

Ça me rappelle le fil conducteur du livre “conversations amoureuses”.

Quant à votre dernière phrase, j’ai envie de vous la piquer à l’occasion de certains de mes récits 😋. Elle sonne tellement vraie.

Rien n'est jamais acquis. Tout est fragile.

[Manfred]

Magnifique texte comme toujours cher docteur, avec cette fois-ci une petite dose d’émotion en plus qui le rapproche peut-être de la perfection. Bravo !

[Nush]

Quel beau texte. Singulier par sa fluidité et sa simplicité. Je m’y retrouve totalement.

Ce n’est pas évident de bien raconter une amitié particulière qui se poursuit au fil des ans, qui nous accompagne dans nos évolutions.

Savoir décrire les sourires, les émotions, le poids de l’âge, la transformation du corps avec subtilité, le plaisir donné et reçu, la complicité installée et pérenne.

Et vous l’avez fait. Avec talent.

@john Merci pour ce moment de lecture précieux.

Car le feu qui me brûle est celui qui m'éclaire .

[Docteur Clack]

Merci à toutes et tous pour ces généreux commentaires. Ces retrouvailles m’ont marqué et je suis heureux d’avoir pu vous toucher en essayant d’en retranscrire les émotions.

@Nush, votre réaction me fait particulièrement plaisir car vous avez bien résumé ce que j’essayais de faire passer. L’empathie que vous montrez ainsi m’émeut particulièrement.

@Christal, vous pouvez sans aucun scrupule me piquer ma dernière phrase car c’est une simple paraphrase de Montaigne. Ce dernier l’employait pour décrire son amitié avec La Boétie et j’ai senti qu’elle était appropriée pour décrire ce sentiment de connexion intense et naturelle. Et vos compliments me font rougir. Heureux que vous ayez ressenti cet effet de caméra subjective par lequel je me suis laissé guider pour écrire. Et si vous me permettez votre cerveau n’a rien de petit à moins que ce vous employiez ce terme pour en qualifier la grâce.

@Manfred, vous êtes trop bon. Peut-être que la spontanéité de l’écriture vous a donné ce sentiment. En tous cas c’est fort aimable à vous.

[Rony]

Très joli récit.

J'ai la faiblesse de croire que tout cul tendu mérite son dû.

[Auteur]

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