Mi votu e mi rivotu
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Sacha, le il y a 2 années et 11 mois.
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- 20 mars 2022 à 10:36 #76443
Sacha
Participant1. Violemment corsetée par une vie de travail, de hobbys et de famille que trois femmes ne suffiraient pas à assumer,
Il se demandait même comment elle faisait pour vivre sans mourir.
Elle trouvait à peine le temps de passer un appel entre deux rendez-vous.
Dis-moi vite les saloperies que tu vas me faire et si je raccroche, c’est que mon boss est entré.
Un jour, le boss est entré au moment où il lui racontait comment il lui attacherait les mains autour du cou, avec du scotch d’électricien.
Comme ça, tu ne m’échapperas plus.
Dans le combiné, il l’entendait parler avec une voix si autoritaire et si assurée qu’il se demandait s’il parviendrait bien à l’attacher le jour où il la croiserait.
2. On ne se verra jamais, tu le sais ?
– Bien sûr. Je m’en fous.
S’il lui disait qu’il ne supporterait pas de ne jamais la voir,
Qu’elle avait déjà marqué dans son esprit quelque chose de si brûlant,
De si irrémédiablement durable,
Peut-être, elle prendrait peur. Il parlait si mal le langage des sentiments,
Qu’il pensait que personne autour de lui ne comprenait ce qu’il avait dans le cœur.
– De toute façon, on vit même pas dans le même pays.
– Aucun risque.
Depuis quelques mois, il était rentré définitivement en France mais il ne lui avait pas dit.
Il n’avait rien dit car il pensait que, précisément, ce qu’elle aimait, c’était qu’il soit loin. En tout cas, l’idée qu’il soit loin.
3. Tu aimes que je sois loin ?
– Non, je déteste ça, tu sais bien. Mais, en même temps, c’est la seule chose qui me rassure.
– Pourquoi ?
– Si tu étais là, je serais prête à faire n’importe quoi. Des folies, des aberrations.
– Raconte moi ta folie, espèce de petite garce</i>.
– Je crois que si, par malheur, un jour on se croise dans la vraie vie, je t’offre tout ce que j’ai. Mais je te préviens, si tu ne ramasses pas ce que je t’offre, tu le regretteras toute ta vie.
Elle écrit ces lignes dans le bâtiment d’en face, un de ces glorieux immeubles parisiens qui servent depuis le 19ème siècle à célébrer l’argent et l’absence d’imagination.
– Je suis à la terrasse du Café De Broglie. J’ai terminé mon café mais j’ai perdu mon portefeuille, tu viens régler pour moi ?
4. Quelques instants plus tard, une jeune femme sortait de la banque avec le pas mal assuré que l’on a quand on croise soit un fantôme, soit le destin.
– Tu m’avais promis qu’on se rencontrait jamais, lui dit-elle, suppliante et haineuse. Je dois retourner bosser, j’ai rendez-vous là.
– Mon avion a été détourné par un gang de pervers, ils nous ont obligé à atterrir sur les Grands Boulevards.
Il se lève et la prend par la main. Leurs mains sont froides comme février mais l’étreinte de leurs doigts est aussi brûlante que Paris. Il la mène à travers ce bar sans âme qu’il a choisi car, depuis la chambre d’hôtel à l’étage, il pensait pouvoir la regarder travailler et donner des ordres à d’autres types. Pendant qu’il la guide dans l’escalier, il s’attend à chaque instant à ce qu’elle retienne leur marche, s’échappe et disparaisse. Elle le suit jusqu’à la chambre défraichie où il a jeté un sac à dos, deux livres et son manteau, un vieux barbour déformé dans lequel il était hors de question qu’elle le voit.
– Je t’imaginais moins grand.</i>
– Quand j’étais plus jeune, je m’imaginais moins bête…
5. Elle se mord la lèvre. Il lui pose la main autour du cou avec autorité et serre doucement, retenant avec douleur et délectation sa poigne habituelle. Elle entrouvre la bouche et ses yeux se ferment à demi. D’ordinaire, il déteste embrasser mais la seule envie qui lui vient ce jour, c’est de dévorer ces lèvres fines et d’y enfoncer sa langue. D’utiliser sa bouche à elle, comme un jouet. Retrouvant de vieux réflexes, il attrape à l’aveugle sa fine main baguée et lui retourne le poignet dans le dos.
– Aïe. On dirait que tu vas m’arrêter. Toutes les banquières ne sont pas des voleuses, tu sais ?
Se dégageant de ses lèvres avec le sentiment de s’arracher un morceau d’âme ou de chair, il manipule son corps frêle en plaquant son buste sur le lit et, d’une main, il lui bloque les deux poignets dans le dos.
– Je ne vais pas t’arrêter, mon cœur. Je ne suis même pas capable de m’arrêter moi-même.
6. Sans le soleil, on ne voit pas les particules de poussière en suspension dans les vieilles chambres des hôtels borgnes. De là où il vient, le soleil sert aussi à chauffer mais visiblement, dans cette ville, il ne sert qu’à réveiller les types qui font des siestes à des heures indûes.
Il est nu. Il caille.
Trop légèrement vêtu pour la saison, il descend le pas mal assuré l’escalier en bois qui hurle qu’on l’assassine à chaque pas.
Sur le comptoir, Yazid a déposé un café allongé dont on voit depuis le milieu des escaliers qu’il est répugnant. « Il doit vraiment nous entendre à chaque fois », pense-t-il en levant les yeux au ciel. Comme, à chaque fois, il a mal au crâne comme si la passion lui faisait gonfler le cerveau.
– Pourquoi tu la vois toujours ici ta copine, frère ?
– C’est pas ma copine.
– Franchement, tu devrais l’emmener aux vacances. Je l’aime bien mon bar mais c’est pas un endroit pour emmener des femmes respectables, frérot.
– Tant mieux, c’est pas une femme respectable. Et c’est pas ma copine, Yazid.
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