Libérez les impertinentes !
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Anonyme, le il y a 3 années et 2 mois.
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- 12 décembre 2021 à 07:12 #73528
Jade
ParticipantMoscou ou Montréal ? Autrement dit, Tolstoi ou Michel Tremblay ? Nikita Mikhalkov ou Denys Arcand ? Tchaïkovski ou…. Céline Dion ?Perso, je n’ai aucun doute : je choisis Moscou. Mais c’est finalement à Montréal que l’entreprise de mon amoureux de l’époque décide de nous expatrier.Excellentes conditions, on ne va pas trop se plaindre non plus. Immense appart à notre disposition. Tellement vide par contre qu’il me semble qu’il y a de l’écho…J+2, nous décidons de louer un camion pour aller faire une razzia au IKEA local. Un “gros” camion, je ne comprends pas pourquoi on ne me demande pas un permis poids lourd pour conduire un engin pareil. Et c’est quoi toutes ces lettres sur le boitier de vitesse ? Il manque une pédale, non ? Ah bon, il n’y a pas d’embrayage ? Remarque, deux pédales / deux pieds, j’imagine que ça peut être pratique.Non ! Pas pratique du tout ! Par réflexe, j’appuie systématiquement à fond sur le frein avec mon pied gauche à chaque fois que je m’imagine devoir changer de vitesse. Sans la ceinture, je crois que nous nous serions fracassé 10 fois le crâne sur le pare-brise..C’est par où ? Je comprends rien à leur signalisation.. Ah bon, le feu rouge qui est <i>de l’autre côté</i> de l’intersection nous était destiné, tu es sur ?On va se tuer, c’est sur qu’on va se tuer ou qu’on va tuer quelqu’un…Nous sommes sur le chemin du retour. J’ai finalement décidé de ne pas dépasser le 20km/h et de rouler au milieu de la route, à 1 mètre de distance des voitures stationnées que j’ai peur d’accrocher. Evidemment que je bloque la circulation et que j’emmerde tout le monde ! Désolée mais j’essaie juste de faire en sorte que nous sortions vivants de cette histoire.Nous sommes arrivés. Je stationne au milieu de la route, en face de la maison.Une voiture qui patientait derrière nous depuis un moment décide enfin de passer la ligne blanche et de nous doubler. Elle s’arrête à notre hauteur. Le conducteur descends sa vitre.Ah. Cool ! Un mec qui veut se fritter ! Je vais pouvoir enfin relâcher un peu de pression, ça va me faire du bien.Parce que je suis née et j’ai grandi à Paris moi, Monsieur. J’ai conduit dans la capitale, j’ai pris le métro les jours de grève, j’ai même fait la queue à La Poste. Autant dire que je n’ai pas peur du conflit, que je sais répondre aux d’incivilités, et que je suis naturellement ceinture noire en guérilla urbaine.Je baisse donc ma vitre moi aussi. Mode guerrière ON.Lui : “Hey ! Êtes-vous en train d’emménager ?”Moi : “Oui !”Lui : “Eh bien bon courage, alors ! 🙂 ”Moi : ……Un coup bas. Je ne m’y attendais pas. “Merci” ? C’est ça l’usage de répondre dans ces cas là ?Mais le type est déjà reparti. Je me demande même s’il n’a poussé le vice jusqu’à nous souhaiter la bienvenue…Cet énergumène n’est malheureusement pas une exception. Quand on est un peu vénère pour tout un tas de raisons légitimes (on a loupé le caramel de la tarte tatin, on n’arrive pas à finir ce sudoku débile, il ne fait pas beau, etc), impossible de trouver un québécois un peu conciliant pour se prendre la tête vite fait et évacuer notre stress.Je suis passée proche, une fois. Un collègue de bureau est venu s’excuser auprès de moi du ton sur lequel il m’avait parlé le matin.Le problème, c’est que je ne m’étais aperçu de rien. J’ai donc peut-être eu, en 15 ans, une unique tentative de m’engueuler avec un québécois, et je suis lamentablement passé à côté de l’occasion faute d’avoir été assez attentive à d’un mouvement d’humeur qui dans mon échelle à moi relève du “subliminal”.Pourtant, on ne peut pas dire que je ne fasse pas d’effort. Quand je suis de mauvais poil, je m’arrange généralement pour que mon entourage soit au courant. Sauf que dans la société dans laquelle j’évolue désormais, les gens m’ignorent, les gens s’en foutent, les gens se débinent. Je finis pas garder ma mauvaise humeur pour moi et être agréable avec tout le monde toute la journée, c’est insupportable.Forcément, le soir, j’arrive un peu énervée à la maison. C’est compréhensible, non ?Par chance Montréal étant une ville très cosmopolite, mes amis proches et mes amants de passage ne sont généralement pas des québécois. On peut donc se prendre joyeusement la tête sur des histoires de dentifrice mal rebouché ou sur le sens de la vie et de l’univers, peu importe le prétexte, tout va, l’important c’est le potentiel conflictuel. Et vous l’aurez compris, en y mettant un peu d’effort, tous les sujets ont un potentiel conflictuel, c’est uniquement une question de volonté.Ça ne veut pas dire qu’on ne s’aime pas, hein ? Mais moi justement, quand j’aime quelqu’un, j’aime pouvoir débattre avec ce quelqu’un. J’aime les échanges d’arguments, j’aime les joutes oratoires, j’aime l’exercice intellectuel du débat. J’aime aussi, quand c’est nécessaire à la poursuite de l’exercice, avoir la liberté d’être de mauvaise foi, d’user de sophismes en tout genre, voire de taper sur la table et de parler un peu plus haut si mes arguments ne sont pas assez forts pour se défendre tout seuls.Bref, j’aime être impertinente.Dans mon environnement social, vous l’aurez compris, c’est aussi une question de survie. Le syndrome de la cocotte-minute, si vous voulez : à un moment, il faut bien relâcher un peu de pression si on veut éviter la catastrophe.Mais même en dehors de mon contexte particulier, l’impertinence me semble être un pécher tellement véniel que je n’arrive pas à comprendre qu’il puisse servir de point de départ aux histoires que je lis sur notre forum préféré.Je veux dire… Est-ce vous, Mesdames, qui avez toutes atteint un degré tel de perfection, qu’on en soit rendu à vous châtier pour cette presque qualité ? N’y a t-il plus chez vous de défaut, de faiblesse, de difficulté ? Je ne peux pas croire qu’il n’y ait que moi qui dispose d’un tiroir magique pour courrier indésirable, qui n’arrive pas à sortir du lit quand j’avais prévu d’aller courir à 7 heures, qui me dope au chocolat à 90%, ou qui n’ai pas encore pris le temps de faire ma déclaration d’impôt 2017.Ou bien est-ce vous, Messieurs ? Vous qui n’avez plus assez d’imagination et qui faites le choix, peut-être par flemmardise intellectuelle, de vous rabattre sur ce prétexte futile, un peu fourre-tout et assez mal défini, que serait l’impertinence ? Libérez les impertinentes !-
Ce sujet a été modifié le il y a 3 années et 2 mois par
Jade.
12 décembre 2021 à 08:06 #73529Anonyme
InactifVoilà un texte qui me rendrait presque québécoise de bon matin!
J’aime son irréversible avancée qui commence par de petits clapotis pour finir par une sorte de tsunami qui percute la pensée.
Bien évidemment, le « motif » la « raison » le « prétexte » feront toujours objets de discussions bavardes… mais bon …si tout simplement il n’y avait pas besoin de véritable point de départ pour « fritter »?
C’est un peu par là que mon esprit me transporte finalement…
et puis bon jusqu’à la prochaine petite contrariété qui me fera perdre ma Québec attitude vite fait bien fait…parceque bon hein moi de bon matin … je m’agace encore plus vite qu’en fin de journée pourrie! …😉
Quel texte! … Bravo!👍
12 décembre 2021 à 09:13 #73536Manfred
ParticipantQue voilà un excellent texte sur ce qui commence, je crois, par un bel exemple de confrontation des cultures. Je ne suis jamais allé au Québec, mais j’ai d’excellents amis qui ont eu l’idée saugrenue (sourire) de s’y installer et même de devenir Canadiens. Ils me racontent en effet cette politesse et ce refus du conflit. Même si je suis d’un naturel calme et en général assez diplomate, cet aspect (et d’autres) de la vie sur place aurait plutôt tendance à m’effrayer. En ce qui concerne l’impertinence, je soupçonne que ce prétexte renvoie à l’enfance et que c’est justement ce que recherchent certains ici, des deux côtés. Votre attente est sans doute différente.
12 décembre 2021 à 10:17 #73538Anonyme
InactifIl ne faut pas confondre impertinence et insolence, même si les deux notions sont proches et qu’il faille punir les deux. L’impertinence est ce qui n’est pas pertinent, c’est à dire selon la définition du Larousse, ce qui n’est pas logique ou approprié. Lorsqu’une de mes pupilles me demande pourquoi elle doit recevoir cette fessée-là, elle est impertinente. Elle n’a pas à questionner mes décisions, même si elle ne le fait pas avec insolence.
12 décembre 2021 à 12:02 #73556Anonyme
Inactifimpertinent<i>adjectif et nom</i>- 1.VIEUXQui n’est pas pertinent.
- 2.VIEILLIQui agit sottement.
- 3.MODERNEQui montre de l’irrévérence, qui manque de respect.
il se peut que la version moderne soit employée dans le texte @Jaroslavpeut être que rayon « culotte »le modernisme a apporté quelques évolutions aussi depuis l’époque victorienne.. mais bon chacun ses interprétations après tout 🙂 -
Ce sujet a été modifié le il y a 3 années et 2 mois par
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