L'année initiatrice (3)

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  • Ce sujet contient 5 réponses, 5 participants et a été mis à jour pour la dernière fois par Anonyme, le il y a 5 années et 9 mois.
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  • #37245
    Anonyme
    Inactif


    A cet appel je répondis à ma cousine “Oui j’arrive  ! ”
    Ensuite toute la soirée précédente défila dans ma tête, comme un film.

    Une fois dans le couloir, équipée pour ma toilette, j’entendais la douche couler. C’était Anne certainement et je ne voulus pas violer son intimité  bien que dans ma famille de telles attitudes se produisent naturellement sans aucune arrière pensée. Mais je pensais surtout à son derrière marqué qu’elle aurait voulu dissimuler.
    Je réalisais que je me retrouvais à nouveau devant le cagibi, je ne pus m’empêcher de l’ouvrir encore une fois. Le martinet était à nouveau là, accroché à son clou, revenu comme par magie. Je touchais ses lanières épaisses et carrées.. “Pauvre Anne  ! ”

    Le bruit de la douche cessa.

    Je refermai vite le cagibi. Un instant plus tard la salle de bain s’ouvrit et je reconnu Anne resplendissante dans son peignoir, elle s’approcha et m’embrassa.
    – Alors ma cousine, tu as bien dormi ?  Je ne pu émettre qu’un petit oui, me sentant incapable d’évoquer cette fin de soirée si tourmentée.
    – Rendez vous dans la cuisine pour le petit déjeuner et surtout..  prends bien ton temps petite cousine.

    Je filais a mon tour dans la sous la douche. C’est bien ainsi que tout était en train se dérouler.. comme si rien ne s’était passé. L’eau était à peine tiède comme m’avait prévenu ma tante, nous n’étions qu’en septembre et c’était juste bon, alors qu’en sera-t-il en décembre  ?

    Une fois dans la cuisine, ce fût à nouveau un moment magique avec elle. La belle journée ensoleillée qui commençait allait être bien remplie et pleine de découvertes. Je voyais les choses autrement a présent. Ma tante apparue un moment et m’embrassa sur le front, froidement c’est vrai mais l’intention était là. Elle me demanda si j’étais reposé et si je voulais téléphoner à mes parents, j’avais oublié hier soir. Je la remerciais et répondais que j’appellerai ma mère d’une cabine à midi, ce sera plus commode pour elle.
    Je repensais à ses paroles d’hier “je t’aime comme mes filles” puis aux coups qui ont suivi après… quelle curieuse façon d’aimer, d’être ses filles, quelle hypocrisie.
    A 9 heure nous voilà dehors, partant à la découverte de cette ville qui m’était inconnue. Il faisait vraiment une journée radieuse de fin d’été si éloignée de la nuit si sombre que je venais de vivre.
    Anne me montra d’abord la ville ancienne, de style renaissance. Je fut surprise de constater à quel point elle la connaissait dans tous ses détails et son histoire, me racontant plein d’anecdotes parfois percutantes qui faisaient revivre des temps anciens. De mon côté j’aurais été bien incapable d’en faire autant avec ma propre ville que pourtant je croyais maitriser.
    Puis nous passâmes au musée des Beaux Arts qui était très grand et magnifique, impossible de tout voir évidemment. Elle me montra les peintures anciennes qu’elle aimait, m’ouvrant par ses explications tout un monde qui changeaient radicalement ma vision plate et stéréotypée que je leur avait porté au premier regard. Et surtout j’en découvris toute l’harmonie qui me semblait transcender au delà de la toile peinte le monde qui m’entourait.
    Nous traversâmes ensuite d’immenses salles ou étaient exposés de gigantesques tableaux représentant des scènes antiques de supplices, toutes plus violentes et crues les unes que les autres. Je remarquais sa mine amusée qui les observait. Je les trouvais pour ma part repoussantes et repensait aussitôt à celle de hier soir, bien réelle celle là. Surtout sur l’une représentée de manière  particulièrement réaliste, un homme nu couché sur le dos, était violemment fouetté sur le torse par son bourreau. Comment pouvait elle sourire de cela ?

    Pas vraiment le temps de s’arrêter sur l’impressionnisme et l’art contemporain que nous parcourûmes rapidement, pourtant beaucoup de choses m’interpellèrent en passant. Mais la faim et la fatigue nous poussaient à écourter la visite et nous reviendrions un autre jour, c’était évident

    Nous allâmes manger dans un nouveau Mac Donald, très décrié parait il car il avait pris place  d’un café authentique. “Un de moins, et il n’en reste déjà plus beaucoup dans le centre ville”. Mais Anne aimait cela.
    Nous étions à l’étage supérieur il n’y avait plus grand monde. Nous discutions de nos amies respectives quand tout à coup ne résistant plus je déclarait d’un bloc.
    – j’ai tout entendu hier soir. Je suis désolée et révoltée de la façon dont tu as été traitée. Je voudrais t’aider Anne.
    Son regard se fixa une seconde dans mes yeux puis elle baissa la tête en direction de son burger comme pour amortir le choc de mes paroles et réfléchir.
    – Je sais que tu as entendu, oui j’ai été corrigée et c’était mérité  !
    Elle me regarda droit dans les yeux.
    – Tu ne dois pas être choquée par cela. C’est une pratique courante chez nous. Ta mère t’en a sûrement parlé car elle a été élevé ainsi….Bien sûr avec un certain nombre d’amis je n’évoque jamais ce sujet car tout cela semble décalé aujourd’hui, les parents sont généralement  bien plus cools, comme les tiens je suppose ?
    – Non mais attends il s’agit d’une agression physique réprimée par la loi et maintenant tu es une adulte. Je parlais fort, mais qu’importe.
    Elle pris un air amusé et défiant.
    – Pas tant que cela, si je te disais toutes les bêtises que je peux faire et ma mère et mon beau père sont formels tant que je serai sous leur toit cela sera ainsi. Et puis ne t’inquiète pas pour l’état de mes fesses, elles ont pris l’habitude à la longue c’est du vrai cuir.
    Je repensais aux sanglots réprimés que j’avais bien entendu la veille. Quel déni  !
    – Écoute ce n’est pas normal aujourd’hui et je peux t’aider. Dis-je  en colère. Ma mère en a de très mauvais souvenirs au point justement de ne pas nous en avoir vraiment parler et elle ne nous a jamais traitée ainsi. Nous nous en portons très bien.
    – Ce sont des choses discutables tu sais  ! Reprit elle. Quand je me compare aux autres je me sens bien plus respectueuse et surtout bien plus rigoureuse et performante.  Et tu peux me croire je ne suis pas la seule, j’ai des amis filles et garçons élevés ainsi et nous avons pour la majorité bien des traits communs.Je crois que j’appliquerai les mêmes méthodes à mes enfants.

    Je ne pouvais qu’admettre son avance significative sur moi et sur tous les domaines que nous avions abordés. Je ne pouvais que constater mon infériorité et me sentais subjuguée et même en admiration totale devant une personnalité aussi épanouie et complète. Cela contredisait toutes mes idées reçues sur ce type d’éducation qui pour moi, était destinée à casser irrémédiablement les personnalités à force de vouloir les modeler selon des normes bien établies en les enfermant dans une éducation autoritaire. Ma mère n’avait elle pas été malgré tout un modèle pour moi aussi, sa rectitude, son esprit de synthèse percutant qui me dépassaient si souvent ?  Alors pourquoi avait elle rejeté cette éducation jusqu’à vouloir nous l’épargner et nous en protéger ?

    J’étais désemparée, tous mes plans pour aider Anne tombaient de sa propre volonté à ne pas vouloir être aidé.
    Je devrais donc abdiquer et subir par procuration les procédés pervers de cette éducation. Et pourtant il m’était impossible de rester insensible. Je me sentais si en accord avec elle, nous nous entendions si bien que dorénavant chaque coup qu’elle recevrait me semblerait m’être aussi destiné. Je n’aurais pas mal, ma peau sera elle intacte, mais dans ma tête je hurlerai avec elle.
    Je restais sans voix, mais son sourire bienveillant me fit fondre. C’était donc elle qui allait me consoler de ses propres souffrances  ?

    Puis après quelques secondes le cours si plaisant et magique de cette si belle journée reprit. J’étais rentré de plein pied avec une intensité jamais connue  dans cette nouvelle vie. J’en avais presque oublié ma vie précédente et que je n’avais pas encore appelé ma mère.
    Je trouvais en sortant une cabine et Anne s’effaça discrètement au moment ou ma mère décrocha. Oui tout se passait bien et sa sœur m’avait fait un très bon accueil.  Elle insistait “Tout va bien c’est sûr ? ” Je n’osais pas aborder comme je me l’étais promis les tourments de la soirée précédente. Encore moins lui exposer mes plans que j’avais conçus. Je me sentais en pleine confusion et m’entendis prononcer
    – Oui oui ne t’inquiète pas tout va très bien.
    Tout allait donc bien  ! Aurais je du parler de ces cinglés sur qui j’étais tombé. Mais en réalité elle ne les connaissait surement que trop bien mème si elle ne les côtoyait pas, j’en avais  conscience. C’était à moi de me débrouiller et de trouver ma place.

    L’après midi ce fut les magasins qui nous occupèrent. Ils étaient vraiment luxueux et de bon goût, mais hors de prix pour ma bourse. Elle s’intéressait beaucoup à l’habillement et m’avoua même qu’elle avait songé à s’engager dans une carrière de styliste. Mais la pression de sa mère avait été suffisamment forte pour la faire changer d’avis. Elle vit dans une vitrine une jupe qui lui plaisait beaucoup. Nous rentrâmes dans le magasin pour l’essayer. Elle avait eu quelques billets de cent francs de sa marraine pour son anniversaire. Je l’attendis à l’entrée de la cabine d’essayage car elle tenait absolument à avoir mon avis. Pendant qu’elle se changeait je ne pus m’empêcher de penser à nouveau aux marques qu’elle devait encore avoir. Mais le temps passait et rien ne se produisait, pas de signe de vie. Puis tout à coup il y eu un sanglot.

    – Anne   ! Ça va ?
    ….
    – j’entrouvris le rideau et aperçu ma cousine en culotte effondrée sur la chaise, en larme, son pantalon et la jupe à terre.
    – Qu’est ce qu’il y a Anne, dit moi  ?
    – (En pleurs) je n’y arrive plus Lucie, j’en peux plus.

    Je lui caressais les cheveux pour la consoler, j’avais moi-même les larmes aux yeux. Je pris une décision.
    – Rhabille toi et sortons pour discuter. Je remarquais au moment ou elle enfilait son pantalon effectivement des stries encore rouges et violacées qui dépassaient de sa culotte et aussi au milieu des cuisses.
    Une fois dehors elle se calma et m’expliqua.
    Elle avait fait il y a quelques temps connaissance d’un garçon de banlieue absolument extraordinaire. Il était beau et généreux comme personne, comme aucun garçon qu’ elle n’avait jamais rencontré jusqu’à présent.
    Ils s’étaient revus plusieurs fois malgré la vigilance de sa mère et de son beau père qui commençaient à se douter de quelque chose. Avant hier soir elle était sortie et son beau père s’en était aperçu. Elle avait inventé un mensonge mais ils ne l’avaient qu’à moitié crue. D’où la correction annoncée et exécutée hier soir :  ” 50 coups de martinet”.
    – Ils ont insisté sur le fait qu’ils me surveillent de prêt et que les coups tomberaient encore plus forts dès la première alerte.  Elle se tourna vers moi.
    – Et surtout ne crois pas un mot de ce que je t’ai dit tout à l’heure. Mon beau père est un homme droit et juste mais terriblement sévère. Ça fait mal quand il frappe, tu ne peux pas savoir.
    – Mais ce n’est pas ton père !
    – Oh la dessus aucune ambiguïté. Ils sont en accord parfait et parait il que mon père lui ressemblait beaucoup. Il aurait appliqué la même discipline. Dans notre milieu c’est courant. Même une fois marié ça ne s’arrête pas. Ma sœur m’a avoué que son mari la corrige régulièrement. Elle est plus indisciplinée que moi et a parfois des réactions incontrôlées.

    Une sensation d’écœurement me traversa. Elle pleurait a nouveau mais continua.

    – Ses parents vont retourner vivre en Algérie demain. La vie ici est difficile pour eux. Tant de mépris et de racisme en France. Mais lui, il hésite, il a grandi ici, c’est son pays maintenant. Et puis on s’aime.

    Nous marchions au bord de la Saône.

    – Il doit choisir, se décider et nous devons nous voir ce soir pour qu’il me donne sa réponse. C’est si important pour moi  ! Mais après ce qui s’est passé avant hier ils me surveillent de prêt. Et s’ils me voient sortir ils vont me tuer.
    – Avoue leur tout… Ne cache rien  ! Pourquoi pas ?
    – Mais tu plaisantes  ? Ils sont traditionalistes à fond et me voir avec un musulman serait une chose impensable pour eux. Ils me chasseraient et les ponts seraient coupés entre nous et même de tout mon milieu, des trois quart des gens que je connais.

    – Alors cultive le dernier quart !  Ces mots étaient sortis tout seul et trop vite de ma bouche, mais je ne les regrettais pas.

    Nous continuâmes à marcher et tout à coup  :

    – Je ne sais plus que faire Lucie, je n’en peux plus. Pour moi je crois que cela devient une question de vie ou de mort !   je ne peux pas vivre sans lui, sans le savoir proche de moi. Ce serait impossible.

    Comment peut on aimer ainsi  ? pensai-je. Mais je sentais en elle une détermination absolue que j’admirais.
    J’essayais de la rassurer en lui disant que cela arrivait de partout et de tout temps et que les choses finiraient bien par s’arranger, mais ma tête  était ailleurs, tout comme la sienne car je ne cessais de chercher une solution et ma tête allait exploser.. Soudain, venue de je ne sais où (c’est un peu ma spécialité) une idée surgit…
    – Écoute !  J’ai un plan. Tu dois le voir à quelle heure  ?
    – Il doit venir une rue plus loin, dans le square vers 10 heure 30
    – Qu’est ce que tu fais à cette heure en général ?  
    – je travaille dans ma chambre ou je lis, ça dépend. J’écoute souvent la radio aussi.
    – Et bien ce soir je prends ta place…
    Au repas je fais comme si j’étais très fatiguée et que j’ai une migraine, ça m’arrive d’ailleurs régulièrement.. Je vais rapidement me coucher. Et un peu avant 10 heures 30 je viens discrètement dans ta chambre, tu t’en va et je fais comme si c’était toi qui seras là.
    – Tu es merveilleuse. Merci pour ta gentillesse, tu es vraiment mon amie, mais je ne veux pas t’embarquer dans cette histoire  !
    Nous marchions encore un moment en silence, je l’observais du coin de l’œil, elle était entièrement dans ses pensées et sa douleur. Des larmes coulaient encore sur sa joue.  Puis elle s’arrêta et se tourna vers moi.
    – Tu ferais vraiment cela pour moi  ?

    Sans aucune hésitation et même précipitamment, je répondis :
    – Oui   !

    #37262
    Karima
    Participant


    Tu écris vraiment très bien. Le ressentis des différents personnages est très réaliste, malgré un thème pas évident à traiter ici.

    #37264
    Automne
    Participant


    Hâte de lire la suite . Surtout avec l’ajout d’une romance . Très bien écrit

    #37265
    Anonyme
    Inactif


    J’aime toujours autant, félicitations 😉

    #37266
    Princesse Sarah
    Participant


    C’est toujours aussi bien, les personnages et leurs caracteres sont bien dessinés… Et cela va plus loin que la fessée! 🙂

    #37268
    Anonyme
    Inactif


    Merci encore, et merci aussi aux personnages qui s’écrivent un peu tout seuls (pour le moment).

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