Faire comme si …
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Catherine se promenait dans Paris avec le bonheur de ceux qui, n’y ayant jamais vécu, prennent un plaisir de chaque instant à en contempler les merveilles. Provinciale de toujours, elle était montée à la capitale pour entrer dans une petite école de théâtre. “Faire comme si” avait toujours été sa grande passion et elle prenait beaucoup de plaisir à habiter les personnages des grands comme des plus petits textes. Flânant sans but à travers l’ancienne Lutèce, elle se rendit soudain compte qu’elle avait abouti, après 3h de marche, dans le seizième arrondissement, bien loin de chez elle. Arrivée au Pont Mirabeau, elle s’installa le long de l’édifice et s’interrogea, quelques vers d’Apollinaire dans la tête, sur la suite de ses projets. Elle devait se rendre au Luxembourg pour le début de la soirée et savait que le bus 72 l’en rapprocherait. Un frisson la parcourut. Celui du plaisir qu’une idée tout juste arrivée lui procurait. Montant dans les bus, elle aimait jouer un personnage et susciter des réactions de la part des gens qui l’entouraient. Récemment, ce petit jeu avait rejoint un fantasme jamais assouvi et qui provoquait sans cesse, au fond de son lit la nuit, une moiteur à son entrejambe. Elle rêvait d’être fessée. Alors, montant dans les bus de la capitale depuis quelques mois, jamais sur le même trajet, elle aimait faire comme si …
Regardant les flots de la Seine passant sous ses yeux, elle se rappelait ses trois expériences passées de ce petit jeu de rôle. La toute première fois, c’était il y a deux mois. Montant dans le bus, elle avait réussi, en bonne comédienne, à faire couler une larme le long de sa joue. Sans l’essuyer tout de suite, elle s’était déplacée dans un bus rempli d’une vingtaine de personnes et s’était installée debout au milieu du véhicule. Du haut de son petit mètre soixante-dix, elle avait jeté un regard circulaire autour d’elle pour croiser celui de tel ou tel passager. Elle réussit à accrocher celui d’un homme du même âge qu’elle, environ 23 ans. Il était brun, vêtu d’un t-shirt blanc et d’une paire de jeans levis de couleur bleue. Elle fit un effort pour faire couler une seconde larme le long de sa joue et, piquant un fard, passa un geste sur ses fesses prétendument douloureuses. Elle détourna ensuite clairement le regard, simulant sa gêne et faisant monter le rouge à ses joues. Elle releva la tête vers le jeune homme au bout d’une longue minute. A travers les passagers qui allaient et venaient, le bus ayant marqué un arrêt, il semblait ne pas l’avoir lâchée du regard tout ce temps. Elle attendait sa réaction. Et celle qui vint la combla. Il eut un sourire. Un sourire plein de compassion, plein de gentillesse, plein de tendresse. Il lui sembla qu’il la comprenait. Qu’il avait envie de la prendre dans ses bras, pour la consoler. Il était temps pour elle de descendre.
Toujours accoudée au Pont, Catherine se rappela ses émotions à la suite de cette expérience. Elle était rentrée chez elle prestement, une chambre étudiante dans laquelle elle avait déposé ses affaires et s’était effondrée sur son lit. La réaction du garçon l’avait mise dans tous ses états. Sa compassion venait-elle du fait qu’il savait ce que c’était de recevoir une fessée ? Était-il possible qu’il en reçoive toujours ? Était-ce le fait d’une expérience plus lointaine et une sorte de fraternité temporelle dans l’adversité ? Était-ce simplement de la gentillesse, un acte purement gratuit ? Plus elle se posait ces questions et plus Catherine s’était mise à se caresser. Elle s’imaginait punie en face de ce garçon dont le regard, plongé dans le sien, lui disait qu’il la prendrait dans ses bras quand ce serait fini, qu’il la masserait et lui raconterait sa propre histoire. Un vent d’air frais sortit Catherine de ses pensées, alors qu’elle se rappelait l’extase de l’orgasme qui avait suivi cette rêverie éveillée. Elle se dirigea vers l’arrêt de bus et constata que celui-ci allait passer dans 15 minutes. Elle s’installa seule sur le banc. En attendant l’arrivée de son moyen de transport, elle se remémora la seconde fois où elle avait joué à ce petit jeu. (A suivre …)
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