Faire comme si … (Suite 3)

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    Mister_T
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    Le bus démarrait. Il se lançait en direction de la Maison de la radio. Les platanes de l’avenue de Versailles semblaient faire une haie d’honneur au convoi, sans rien savoir des pensées qui traversaient l’esprit de Catherine. Comme elle s’y attendait, le bus était peuplé de personnes âgées. Dans ce 16ème arrondissement vieillissant, cela n’avait rien de surprenant. L’idée lui revint d’un scénario qui se prêtait bien au décor. Il lui faudrait seulement partir du bus un peu plus tôt que prévu. Après tout, sa soirée au Luxembourg ne débutait que dans une paire d’heures et elle avait encore du temps. Elle visa donc la place de la Concorde comme point de chute, sachant qu’elle pourrait sortir en se fondant rapidement dans le décor bondé de ce lieu touristique, point névralgique des visites de la capitale. Son regard fut un instant concentré sur la Statue de la Liberté qui se dessina rapidement sur sa droite, avant de disparaître. La Tour Eiffel était à vue. Il fallait faire vite. Alors que quelques passagers sortaient et rentraient, elle vit une place disponible réservée aux personnes âgées et s’y installa. Elle s’apprêtait à jouer le rôle d’une peste, elle qui n’en avait jamais été une. L’essence même du théâtre : oublier qui l’on est, pour être quelqu’un d’autre. Comme elle s’y attendait, à l’approche du Trocadéro, un vieil homme monta dans le bus. 75 ans, l’air gentil, il portait sur lui le poids des ans et son béret en faisait une caricature du parisien d’une autre époque. Il se dirigeait vers la place occupée par Catherine. Celle-ci prit une mine ostensiblement boudeuse et fit comme si elle ne le voyait pas.  

    “Mademoiselle, pourriez-vous me laisser m’asseoir s’il-vous-plaît ?”, lui demanda-t-il gentiment. 

     Elle fit comme si elle ne l’avait pas entendu.  

    “Mademoiselle !”, dit-il avec insistance. 

    Tournant les yeux vers lui, avec un regard qu’elle voulait contrarié, elle lui répliqua : 

    “Qu’est-ce qu’il veut Papy ? Il y a de la place partout dans ce bus ! J’ai le droit de m’asseoir où je veux !” 

    L’homme leva les yeux au ciel et se lança dans un petit discours pédagogique. Elle l’écoutait sans vraiment y prêter attention. Quelques personnes s’étaient retournées mais nul ne semblait se décider à agir pour aider le vieux monsieur. On était maintenant au Pont de l’Alma. La torche de la Liberté, confisquée par les hommages à Lady Di, brûlait à côté de Catherine. Plus que quatre arrêts. Le vieux monsieur continuait de parler tout seul.  

    “De mon temps, ça ne se serait pas passé comme ça. Avec la force de mes jeunes années, je vous aurai couchée sur mes genoux !”, conclua-t-il. 

    Ça y était, enfin on basculait dans l’univers de son fantasme. 

    “Non mais vous rêvez Monsieur ! A mon âge ?”, critiqua-t-elle. 

    “Pourtant, une bonne fessée, c’est tout ce que vous méritez jeune fille !”, gronda-t-il. 

    Le mot était lâché. Avec une voix un peu plus forte, le propos avait fait mouche aux alentours. Il est intéressant de constater que la vieillesse permet de tenir des propos qui aurait pu paraître inappropriés à d’autres. Une personne d’un autre âge se serait signalée au contrôleur en cas de non-respect de tel ou tel règlement. Non, chez nos aïeux, on en revient au souvenir d’une époque où les fesses rouges corrigeaient les mauvaises habitudes prises. Catherine avait compté là-dessus. Tout à coup les commentaires fusèrent. 

    “C’est vrai que c’est une petite peste. Ses fesses devraient payer le prix de son insolence !”, tonna une dame d’âge mûr. 

    “Une bonne déculottée, c’est ce qu’il faut aux jeunes adultes d’aujourd’hui qui se comportent comme des gamins !”, renchérit une autre. 

    “Mademoiselle, laissez ce monsieur s’asseoir ou je m’occupe de votre derrière !” poursuivit un homme d’une soixantaine d’années à l’allure costaude.  

    Le bus arrivait à destination. Catherine se leva. Malgré sa volonté de rester dans son personnage, sa honte avait dû lui monter aux joues. Elle avait chaud. Des papillons s’étaient installés dans son ventre. Elle reconnaissait bien volontiers que son personnage aurait mérité de se retrouver couché et claqué avec vigueur au niveau de son bas du dos. Quelques rires se faisaient entendre sur son passage vers la porte fermée. Cependant, elle avait croisé le regard inquiet de quelques congénères de son âge qui semblaient peu rassurés. Leurs yeux exprimaient la crainte de se voir menacer de la même punition par des ascendants en mal d’autorité. Qu’avaient-ils donc à se reprocher ? La porte s’ouvrit enfin, alors que la situation de son entrejambe risquait d’atteindre un point de non-retour. L’air frais de la capitale l’accueillit à la sortie du bus et elle se hâta de traverser la Seine en direction du Palais-Bourbon. Elle était dans tous ses états. Arrivée au début du Boulevard Saint-Michel, elle s’était assise sur un banc pour réfléchir et se calmer. Elle savait qu’elle ne pouvait s’abandonner tout de suite au plaisir. Pourtant, au fond de sa culotte, c’était un marécage de sécrétions poisseuses et délicieuses. Soudain, elle fut sortie de ses pensées par une main qui s’était posée sur son épaule. En se retournant, son cœur chavira. C’était Paul, un garçon de son cours de théâtre. Beau garçon, la vingtaine comme elle, il avait les cheveux noirs et un regard perçant. Sa haute taille et ses muscles en faisaient le prototype de l’homme que l’on n’avait pas envie de croiser sur un terrain de rugby. Ses mains étaient à l’avenant de son corps, que l’on aurait dit sculpté dans un marbre grec. Avant que sa bouche ne s’ouvre pour pouvoir le saluer, Paul lui dit avec un sourire dévastateur : 

    “Alors, comme ça, on mérite une bonne fessée ?”  

    (Epilogue à suivre …)   

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