Bruges, mon amour

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  • #79242
    Abi San
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    – Ouvre la porte.

    L’eau coule sur son corps, brûlante, glisse sur son visage renversé, dans ses yeux ouverts ; depuis le pommeau accroché au-dessus d’elle, l’eau de la douche s’écoule, la martèle, plaque ses cheveux sur sa peau.

    – Ouvre la porte !

    Elle feint de ne pas entendre. L’eau dans les oreilles et dans la bouche. Bien sûr qu’elle a fermé la porte. Cinq minutes, lui a-t-il dit, la dévisageant. Le temps que j’aille à la voiture chercher l’ampli, et que je remonte.

    – C’est cela, a-t-elle pensé en verrouillant la porte de la salle de bain tandis qu’elle entendait se refermer sur ses pas la porte boisée de leur chambre d’hôtel.

    Sur un coup de tête, la veille au soir, ils étaient partis pour Bruges. Elle rêvait de cette ville du Nord, de ses canaux sinueux, de ses maisons à ogives, de sa lumière de peintres primitifs flamands passant entre ses fenêtres à carreaux. Bruges dans le froid du mois de février, construite au-dessus de ses ponts et de ses cygnes.

    Ils ont passé la journée à se perdre dans la merveille ciselée de ses rues, sous le beffroi médiéval de la Halle aux draps. A la fin du jour, en soufflant sur la fumée de son waterzooi, sur le trottoir pavé de cette petite brasserie d’hiver, il lui met la main sur la sienne pour l’interrompre dans la voltige riante d’ébriété d’une de ses histoires sans fin ni tête.

    – Abi. Tu sais très bien ce qui va se passer ce soir. Tu sais ce que je t’avais promis pour ce week-end : ce n’est pas parce qu’on est à Bruges que ça change le programme.

    Elle suspend sa fourchette un court instant, sur ses filets de porcs à la brugeoise.

    Tu es insupportable, lui avait-il glissé à l’oreille pendant le repas de jeudi dernier avec leurs colocataires, autour de la table basse dans le salon de leur péniche. Tu vannes tout le monde, y compris moi. Tu ne vois pas que tu as vexé Clem ? Et je n’aime pas que tu te foutes de moi impunément. Je t’en mets une ce week-end, dès qu’on sera tranquille.

    – A l’hôtel ? sourit-elle comme en une parade, au-dessus de son assiette. Parce que tu vas oser ?

    Il s’est déjà replongé dans son bouillon de poissons ; elle reprend le fil de son histoire. Le cœur lui bat un peu plus derrière ses paupières fendues.

    L’hôtel Ter Brughe dresse sa double façade dentelée de briques rouges au-dessus d’un canal de la ville. Leurs pas s’enfoncent dans les tapis muets jusqu’à la porte de leur chambre, au troisième étage. Elle est entrée la première ; elle l’entend refermer la porte à clef, la saisir par le bras tandis qu’elle enlève son écharpe.

    – Tu plaisantes ? se récrie-t-elle. On a marché toute la journée ! tu me laisses prendre une douche.

    Il la fixe, lui retire son manteau sans répondre. Au dehors, la lumière des réverbères se reflète dans les losanges verts et dorés des carreaux de la fenêtre. Le canal clapote doucement dans la nuit tombée, comme au passage silencieux d’un vol de mouettes.

    – Allez, l’enjôle-t-elle. Je prends une douche, je me mets en pyjama. Ambiance feu d’hiver et fourrure de bête au sol. Dans la nuit engourdie, une fessée et au lit…

    Les couloirs de l’hôtel derrière la porte restent aussi cois que lui, immobile devant elle.

    – Tu veux te venger de quoi en plus ? Même toi, tu ne sais plus. On est dans un paradis de béguinage et de beauté, et toi, tu veux…

    – Tais toi. Cinq minutes. Le temps que j’aille chercher l’ampli dans la voiture pour couvrir le bruit des claques. Ta fessée, tu la prends dès que je remonte.

    Il lui lâche le poignet. Facile. A présent, cela fait bien 20 minutes qu’elle est enfermée dans la salle de bain, qu’elle laisse trainer avec délectation ce moment délicieux. C’est elle qui contrôle, qui domine malgré les invectives qu’elle entend régulièrement derrière la porte. Jusqu’à temps qu’elle ouvre, elle-même, quand elle l’aura décidé, que peut-il faire ? de quoi peut-il la menacer de plus ? Il trépigne, elle rit, l’eau lui coule une nouvelle fois dans la bouche. Trois fois qu’il revient lui intimer d’ouvrir en tambourinant sur le battant clos. Elle ferme le robinet d’eau chaude, entend son nom glissé dans la rainure de la porte, contenu, menaçant.

    – Tu es déjà remonté ? crie-t-elle en passant la porte vitrée de la douche, en s’empêchant de pouffer. Je ne t’entendais pas avec l’eau.

    Elle se love dans l’incroyable épaisseur de la serviette qu’elle a dépliée hors de son panier, les pieds dans les poils du tapis de bain.

    – C’est cela. Ouvre, tout de suite.

    – Je me sèche ! Et je me mets de la crème, une minute !

    – Abi, je vais te….

    Elle renonce à la crème, glisse en vitesse dans son short noir qui lui moule les fesses, enfile un débardeur en dentelle. Ses cheveux sont trempés. Elle les roule dans la serviette pour les sécher entre ses mains.

    Tant qu’elle n’ouvre pas cette porte, rien n’est réel, rien ne peut arriver de manière certaine.

    Il ne la lâche pas, derrière sa porte ; elle entend encore deux fois son nom, à voix très basse. Elle suspend la serviette à une patère d’acier dans le mur, ferme les yeux pour respirer de manière plus enfouie, se dirige vers la porte sur ses pieds nus et tourne doucement la clef qui protégeait son monde.

    Vacillement de son cœur.

    Il est appuyé contre le chambranle, sur un coude ; il la domine, la toise dans la porte qui s’ouvre.

    Et maintenant, ce n’est plus elle qui joue.

    – Ça fait cinq minutes ? Ça va, comme si j’avais une montre sous l’eau. Hmmm, continue-t-elle en s’étirant comme une chatte de volupté. Ça fait tellement de bien ! Tu veux en prendre aussi ?

    – C’est toi qui vas en prendre une.

    Il l’a saisie par le poignet, de sa main gauche.

    Elle entend la musique qu’il a fait jouer sur l’ampli, qui se répand sous les poutres qui traversent la chambre. Elle reconnait le titre.

    Russian Sher – de Kroke.

    – Tu aimes ? C’est pour couvrir le bruit. De ce que tu vas te prendre ; de ce que tu viens d’aggraver, ma tendresse.

    Il l’attire par le bras. Elle se laisse faire, le laisse l’étendre sur lui, aussi lascivement qu’une béguine frôlant de sa robe, en déambulant, un parterre de tulipes ; il s’est assis sur le grand lit blanc, au montant sculpté dans le chêne.

    Il lui caresse les fesses par-dessus son short noir, elle a envie de gémir de plaisir.

    – Donc non seulement tu passes ton temps à couper la parole à tout le monde à la péniche, tu accapares les discussions avec tes jeux de mots éculés, tu tournes en dérision mes histoires et en plus, quand je te laisse un centimètre de marge, tu fais encore tout à ta tête ? qu’est-ce qui t’arrête en fait ?

    Elle se revêt de son silence, se réfugie dans la douceur de cette main passant et repassant sur les courbes offertes de sa chair revêtue, guette le moment, en suspension, où cette main se lèvera pour frapper.

    – Réponds-moi.

    Elle sent la levée de sa main au-dessus de ses reins ; elle serre les lèvres, cambre les fesses, le sent frapper une première fois.

    – Réponds. Tu la mérites, cette fessée ?

    – Caresse-moi encore…

    Elle sent sa main dans son suspens de nouveau, retomber aussitôt et s’abattre avec force et régularité sur le tissu de son short de nuit.

    Le violon de Kroke lui rentre dans les oreilles, lui donne envie de se déhancher dans la danse entre sa main et ses genoux.

    – Tu l’as savouré ton petit temps de refuge, porte close ? Autant de minutes passées enfermée, autant de minutes passées sur mes genoux.

    Elle se mord les lèvres ; il déferle. Il est bon. Il ne s’arrête pas. Elle ne compte plus ni ses coups ni les minutes. Sa peau chauffe sous le tissu de coton noir de son short trop échancré ; trop court quand elle est étendue : la peau est à nu, au plus tendre, sous la courbe des fesses, qu’il impacte régulièrement.

    Elle anticipe sans cesse le moment de sa main levée, qui passera sur sa taille pour baisser son unique protection. Il ne lui a jamais donné de fessée aussi longue sur un vêtement, mais elle savoure, s’abandonne à la chaleur diffuse, répandue, de ces coups.

    Il s’arrête enfin, lui caresse longuement les fesses ; elle a envie de ronronner. Il la redresse, la prend entre ses bras. Elle se fige en lui.

    Un doute se répand, insidieux, dans les méandres de sa pensée : il ne va pas s’arrêter là ? l’outrage. Impossible.

    – Qu’est-ce que tu fais ? murmure-t-elle, la tête penchée sur le côté, au perçant de son regard, tandis qu’il l’étreint.

    – Pas un mot. Couche-toi et dors.

    Il se lève, commence à se déshabiller au pied du lit.

    Elle le regarde, sur le point de suffoquer. Elle se rejette sur le lit, en arrière, les bras ouverts. Elle fixe des yeux la poutre au plafond, aussi épaisse que la frustration qui pousse son cœur vers la terre.

    – Couche-toi ! Ça ne te suffit pas, peut-être ? Vingt minutes de fessée sans pause ? Tu entends le film dans la chambre à côté ? Si je t’enlève tes habits, c’est tout l’étage qui met ses activités en pause pour être au diapason avec toi.

    Elle fixe toujours la poutre au plafond, serre ses yeux sur la dureté du bois, autant qu’elle serre le fil tendu de ses lèvres.

    – Si tu ne les enlève pas, ces habits, lâche-t-elle enfin tandis qu’il passe nu le seuil de la salle de bain, si tu me fais l’affront de me laisser en plan comme cela, je t’égorge pendant ton sommeil.

    – C’est moi qui décide, Abi, l’entend-elle répondre de l’autre côté du mur. Pas toi, tu vois. C’est comme ça et c’est tout pour ce soir.

    L’eau de la douche se met à couler. Il n’a pas fermé la porte. Elle touche ses fesses brûlantes à travers le tissu de son short. Sa peau irradie. Le dessous de ses fesses est écarlate. Elle a tant de rage au cœur ; le déferlement de sa frustration la déborde. Elle a envie de déchirer aux dents les draps blancs de leur lit et de l’étrangler avec ces lambeaux, sous sa douche, en lui enfonçant dans la chair avec ses ongles. Elle se lève d’un bond, monte de cinq crans le son de Kroke. Elle entend sa voix depuis la salle de bain.

    – Baisse-moi ça, Furiosa ! tout de suite !

    Elle se jette dans l’angle du lit, à plat ventre, mord dans l’oreiller de toute sa force. Elle se sent capable de briser le montant de chêne, de l’étreinte de ses bras réunis.

    Elle l’entend sortir de la salle de bain, baisser le son de Kroke ; elle se redresse, se retourne sur ses coudes. Il la considère, sa serviette blanche nouée autour de ses hanches, son torse saillant, sa barbe d’un blond vénitien constellée de perles d’eau.

    – Ce regard noir, ma béguine. On te met une fessée sans pitié et au lieu de te calmer, ça te rend encore plus ingérable ?

    Elle s’assied lentement en tailleur sur les oreillers, plisse les yeux avec férocité, se passe la langue sur les lèvres.

    – Donc en fait, là, tu vas me pourrir ma nuit ?

    – J’ai envie de te tuer.

    Il la considère dans la joute impalpable de leurs corps. La tension de son être rayonne plus encore que la chaleur qu’il ressentait tout à l’heure au creux de sa paume, au creuset de ses reins.

    Il met un genou sur le lit entre les pans de la serviette, se penche pour la tirer avec rudesse à lui ; elle vient, plus souple que l’infléchissement d’une liane. Il la soulève à bras le corps, baisse son short d’un coup et l’allonge sur ses genoux pour la seconde fois.

    Elle s’est arc-boutée dans sa nudité ; il reprend sur la brûlure offerte de sa chair, sur le carmin de ses reins. Dans les violons slaves, le bruit asséné de sa main remplit la pièce. Jamais un tel éclat, une telle résonance ne l’a enveloppée. Chaque claque se referme sur elle. Chaque claque, engouffrée l’une après l’autre. Un barrage qui se rompt à lames rythmiques. Elle a les oreilles remplies de ce flot, de chair à chair. Elle gémit, assourdie, il serre sa main dans son dos en lui faisant mal.

    Il arrête d’un coup, sans crier gare.

    Son cœur se dérobe dans sa poitrine. Elle souffle, sent sa main relâchée au creux de ses reins, la pose sur l’écarlate de ses fesses.

    Il l’allonge sur le lit, comme une statue déposée de cathédrale, se redresse.

    – Couche-toi. Sans te rhabiller. Si tu dis un mot, un seul, avant que j’aie éteint la lumière, je t’envoie dans le couloir, les fesses à l’air. Je te mets au coin devant la porte, je te garantis que je le fais. Maintenant que tout le monde a entendu à l’étage, on n’est plus à cela près.

    Elle est sur le ventre, les fesses écarlates ; elle l’entend dénouer sa serviette, l’accrocher dans la salle de bain. Il revient lentement, éteint les violons de Kroke et la lumière de la pièce. Elle sourit en s’enfonçant dans les oreillers. Au-dessus d’elle, la poutre de la chambre traverse la satisfaction dilatée de son désir. Elle se laisse transpercer jusqu’au bas de son corps, le sent s’allonger près d’elle, et sa main caresser le haut de ses fesses.

    Au dehors, la lumière des réverbères vient imprimer, sur les draps, sur le montant de chêne, sur leurs propres corps emmêlés, des reflets de carreaux verts et dorés. La peinture du Nord s’est répandue, diluée, sur sa chair – elle referme ses paupières, accomplie ; sur l’intimité de vitrail de Bruges, sur l’intériorité flamande.

    #79243
    Christal
    Maitre des clés &
    Good Girl


    On en redemande. Merci de nous faire voyager dans les émotions avec une telle musicalité dans les mots.

    Rien n'est jamais acquis. Tout est fragile.

    #79244
    Guruduth
    Participant


    Un très beau texte ! qui sait retranscrire l’esprit des lieux  et l’inscrire dans un lien avec la fessée ! Bravo.

     

    #79248
    Saul
    Visiteur


    Mon dieu que c’est excitant, l’insolence de @abi offre encore plus de sel à cette histoire

    Suite sans doute à mon post récent, je reçois des sollicitations de fesseurs. donc pour éviter ses importuns avec lesquels je ne me connecterais je précise immédiatement que je suis HETERO, donc messieurs passez votre chemin MERCI

    #79645
    Fanny
    Participant


    Très joli récit. Je me suis imaginée au ter brughe près de l’eau. Ma vision de cet hôtel a changé !

    #79711
    Nush
    Maitre des clés &
    fouetteuse en talons hauts et bas résilles


    La douche lave le corps, l’esprit et les péchés.

    Un texte d’eau et de plaisir(s). Magnifique. 

    Car le feu qui me brûle est celui qui m'éclaire .

    #88088
    Jérémie
    Participant


    Superbe récit, ce mélange d’insolence et d’envie est délicieux, au départ… la tension que l’on sent tout le long, le jeu aussi amusant qu’excitant… J’adore. 😉

    Puis Bruges est une tellement belle ville. Dire que j’y étais allé il y a quelques années totalement inconscient de mon goût plus poussé pour la fessée, encore enfoui… Ce récit me donne envie d’y refaire maintenant un séjour aussi romantique que claquant…

    Félicitations pour ce récit en tout cas.

    #88093
    Monsieurgigi
    Participant


    C’est vrai que Bruges est magnifique et bien conservée! Petit conseil pour les dames : préférez les baskets aux talons aiguilles qui seront bien plus confortables pour arpenter les pavés de cette ville…  😉

    Monsieurgigi : l'essayer, c'est l'adopter !

    #88357
    ALAIN ELOGE
    Participant


    Bruges est vraiment une ville idéale pour la fessée à l’hôtel !
    J’ai le souvenir d’une fessée flanquée en plein après-midi, la fenêtre ouverte, dans un hôtel qui donne sur un canal. Nous entendions les commentaires des guides sur les bateaux qui promènent les touristes, et nous n’avons jamais su si ceux-ci avaient eux aussi entendu …

    #88391
    MissSpankee
    Participant


    elle est géniale cette Abi 🙂

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