
Cavalier (Emma) • Le Manoir
Auteur d’une dizaine de livres (pas tous érotiques !), Emma Cavalier est une bibliothécaire parisienne. Son premier roman Le Manoir est salué par la critique : il obtient le prix Eros Évian du meilleur premier roman érotique, au salon Évian érotique en 2011. Il est suivi de deux autres romans qui forment une trilogie : Légendes du manoir (2015) et Retour au manoir (2022). Les personnages principaux, Pauline et Julien, sont aussi à retrouver dans le crossover à quatre mains, imaginé avec Chloé Saffy : Invitation au Manoir (2013).
Clairement classé dans la littérature BDSM, Le Manoir raconte l’histoire d’une jeune archiviste, Pauline, embauchée par Julien, le maître des lieux, afin de mettre de l’ordre dans les papiers d’une demeure, sanctuaire historique de pratiques sadomasochistes.
Au chapitre 1, Julien et Pauline viennent de lire des lettres enflammées et épicées…

« – Tu sais quoi, me dit Julien en reposant la dernière lettre, ça me donne envie de te fesser.
J’étais plongée dans mes notes et fis mine de ne prêter qu’une attention limitée à sa remarque. Il m’observa quelques secondes, puis se jeta sur moi, m’attrapant par le bras, et me fit basculer brutalement sur ses genoux. Je me débattais comme une diablesse ; prise de court, n’ayant pas eu le temps de me préparer, j’étais incapable de me laisser faire. Alors qu’il luttait pour baisser mon pantalon, je me mis à crier :
– Non ! Non ! Vous ne pouvez pas faire ça !
À ma grande surprise, il me lâcha aussitôt, et je me reculai vivement jusqu’à être acculée contre les rayonnages, le cœur battant, haletante, le fixant d’un air farouche.
– Ah oui ? demanda-t-il calmement. Et pourquoi je ne pourrais pas faire cela ?
Son cynisme détaché me glaça, me ramenant brutalement à l’analyse de la situation. Mon attitude me paraissait soudain faible et méprisable, loin de l’engagement dont je m’étais crue capable à son égard.
– Euh… et si quelqu’un venait ? hasardai-je timidement.
– Ne te fiche pas de moi. Personne ne vient jamais ici. Tu le sais très bien.
Je baissai les yeux, sentant à mon grand désespoir le rouge me monter aux joues.
– Excusez-moi. Évidemment, vous faites ce que vous voulez.
– J’aime mieux ça, dit-il avec douceur, et tendant une main vers moi, il me fit signe de m’approcher.
Je le rejoignis à genoux, et déboutonnai mon pantalon pour le baisser avant de m’allonger sur ses cuisses, les fesses nues, offertes à son désir, le dos cambré en signe de soumission. Au lieu de frapper, sa main se posa lentement sur les globes de chair, et se mit à les caresser délicatement, dessinant des courbes et des arabesques entre la chute de mes reins et le haut de mes cuisses. J’étais au supplice, sentant s’exacerber au centuple le désir qui me dévorait depuis la première fois qu’il m’avait touchée. Je poussai un gémissement à fendre l’âme, et je pus presque l’entendre sourire alors qu’il me demandait avec malice :
– Eh bien ? Il y a quelque chose qui ne va pas ?
Je cambrai le dos sous la chaleur de ses caresses, et il répondit par une série de claques appuyées, assenées avec force du plat de la main, qui ne firent qu’augmenter mon excitation. Sitôt que je commençai à fléchir sous la douleur, il reprit ses caresses, effleurant délicatement les zones rougies, apportant l’apaisement à mon postérieur enflammé. Je soupirai, m’agitai, et il recommença à frapper vigoureusement. Ce petit jeu se poursuivit plusieurs minutes, jusqu’à ce que mon cul devienne brûlant de douleur et d’envie. Soudain, sa main glissa plus longuement sur ma peau, s’attarda sur la raie des fesses qu’elle longea vers le bas, et il glissa un doigt le long de ma fente pour finalement le poser sur mon clitoris qu’il agaça avec douceur. Presque instantanément, une vague d’une rare intensité contracta mon sexe, et l’orgasme m’emporta avec une force inouïe. Je criai, puis dans un accès d’hystérie je mordis de toutes mes forces dans sa cuisse. Il jura, m’attrapa par les cheveux, et me tira en arrière avec violence. L’instant d’après, il se collait contre mon dos de tout son corps, m’embrassant dans le cou, caressant mes seins d’une main qu’il avait passée sous mon tee-shirt. Il me redressa doucement et m’appuya contre la balustrade de la bibliothèque. Je l’entendis défaire sa ceinture et un frisson de crainte me parcourut, mais j’étais trop affaiblie par la douleur et le plaisir pour faire le moindre mouvement. Je sentis sa main brûlante se poser sur l’intérieur de ma cuisse ; il me souleva légèrement et fit pénétrer dans mon ventre son sexe gonflé et tendu. Je criai à nouveau, un cri de soulagement cette fois. Il me baisa avec force, en me tenant les cheveux soulevés sur le haut de la tête et en caressant mes seins, et son souffle animal s’amplifia sur ma nuque quand il déchargea. Alors il se retira, se rhabilla, et après une caresse furtive dans mes cheveux en guise de remerciement, il quitta la bibliothèque rapidement et sans un mot, me laissant seule, en dehors de toute réalité et à bout de souffle. Allongée sur le parquet de la mezzanine, je fixais les moulures du plafond qui dessinaient d’improbables volutes à l’image de mon cerveau. J’étais incapable d’aligner deux pensées cohérentes. Je m’endormis.