E.D. • La Raison du plus fort est toujours la meilleure

E.D. • La Raison du plus fort est toujours la meilleure

Pièce en un acte, La Raison du plus fort est toujours la meilleure fut publiée en 1889 au sein d’un petit volume intitulé Théâtre Naturaliste. L’identité de son auteur fait débat : s’agissait-il d’un courtier en vins de Bordeaux ? d’un fonctionnaire de la Gironde ? d’Émile Desjardins, professeur de la Faculté à Montpellier ? Le mystère restera sans doute entier. Ce “E.D.” a en tous cas publié de nombreuses oeuvres érotiques chez l’éditeur Auguste Brancart, à Amsterdam, entre 1887 et 1899. 

L’argument de la pièce qui nous intéresse ici est fort simple : Laure de Montreuil, femme de petite vertu, décide de se venger des humiliations que lui a fait subir le vicomte Michel de Tanneguy. Elle le ligote, avec l’aide de ses amies Léa et Louisette, bien décidée à lui tanner les fesses à la cravache. Le vicomte, cependant, n’est pas dupe du stratagème, et parvient bientôt à retourner la situation à son avantage.

À quand une mise en scène de cette pièce par la troupe de Déculottées ?

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La raison du plus fort est toujours la meilleure

 

PIÈCE EN 1 ACTE ET 3 TABLEAUX

 

PERSONNAGES

LAURE DE MONTREUIL, pécheresse, blonde, 23 ans
LÉA, une amie, brune, 24 ans
LOUISETTE, autre amie, blonde cendré, 19 ans
MICHEL DE TANNEGUY, grand, brun, 26 ans

 

La scène se passe à Paris, chez Laure de Montreuil,
dans son petit hôtel de la rue Fortuny, en 1883.

1er TABLEAU

LAURE, LÉA, LOUISETTE 

La scène se passe dans le boudoir de Laure de Montreuil.

LAURE. C’est donc aujourd’hui que je vais enfin pouvoir me venger de cet orgueilleux Michel de Tanneguy. Il ne peut tarder d’arriver au rendez-vous. Vous vous tiendrez dans ce cabinet, jusqu’à ce que je vous appelle. S’il nous trouvait réunies, il ne se prêterait pas à mes fantaisies. Quand je l’aurai réduit à l’impuissance, et qu’il ne pourra plus résister, je vous appellerai, et je vous promets de vous faire assister à une jolie séance de discipline. Cette fine cravache me vengera de ces longues humiliations. Il cède enfin aujourd’hui à mes instances, mais il paiera cher les bassesses que m’a coûtées ma victoire. J’ai éloigné tous mes domestiques, pour empêcher ses cris d’arriver jusqu’à eux ; et il aura beau crier, hurler, appeler au secours, ses cris ne trouveront pas d’écho. Le concierge seul, qui ne doit pas quitter sa porte, est trop éloigné pour rien entendre. Quand son orgueil sera humilié, nous le laisserons se dégager tout seul. Je vous ai promis de vous soustraire à sa vengeance, en vous offrant une villégiature d’un mois. Au bout de ce mois sa colère sera passée et d’ailleurs il ne vous reconnaîtra pas, car il vous tournera le dos pendant la correction que je lui infligerai ; et moi je me moque de sa fureur. Mais je crois que le voici. Le timbre de la loge vient de retentir : cachez-vous là ; qu’il ne vous trouve pas ici en entrant.

(Léa et Louisette passent dans le cabinet de toilette.)

 

 

2e TABLEAU

LAURE, MICHEL

MICHEL (entrant). Bonjour, belle Laurette.

LAURE (lui sautant au cou). Enfin vous voila, bourreau des coeurs, indomptable vicomte. Il faut donc faire le siège de monsieur Michel de Tanneguy, comme celui d’une place forte, et l’emporter d’assaut ? M’avez-vous fait assez languir, superbe vicomte ? Laure, qui ne connaissait les refus que de nom, vous a sollicité vainement pendant un mois.

MICHEL. Ma chère Laure, votre amour me faisait peur. Je ne suis pas assez riche pour posséder sans partage un joyau aussi richement enchâssé, et je ne voulais pas le partager. Si vous me voyez ici aujourd’hui, c’est comme un amateur de beaux tableaux, dont la fortune lui interdit une galerie de maîtres, mais qui peut s’offrir un tableau de prix.

LAURE (à part). Insolent ! va : tu me paieras cette injure aussi (Haut). Mais qui vous demande de vous ruiner pour moi, mon cher vicomte ? mettons que je sois une statue de valeur dans une galerie qu’on peut visiter (votre langage est un peu dur mon cher), qui vous empêche de revenir voir un marbre qui vous plaît, et puisque vous ne pouvez pas être le maître qui l’achète, pourquoi ne seriez-vous pas l’ami qui la visite de temps en temps ?

(Lui mettant la main sur la bouche.)

Taisez-vous mon cher Michel, je sais ce que vous allez me dire, et je ne veux pas l’entendre.

Demain, vous ferez à votre guise ; vous reviendrez ou vous ne reviendrez pas ; mais aujourd’hui que je vous tiens je vous garde. Vous avez fait la folie de répondre enfin à mes avances. Il faut que vous en subissiez toutes les conséquences. Ainsi, mon cher Tanneguy, je veux que vous soyez complètement mon esclave aujourd’hui. J’ai, Dieu merci, été la vôtre assez longtemps sans en retirer le moindre bénéfice, je veux savoir celui que j’aurai à vous tenir pendant quelques heures sous ma servitude absolue.

(Ici Michel interrompt la belle pécheresse en collant ses lèvres sur sa bouche ; il la prend dans ses bras, l’enlève comme une plume et la renverse sur le bord du lit toute habillée, relève ses jupes, s’agenouille et l’embrasse dans les combles, fripant les dentelles ; puis il se relève, et vient entre ses cuisses, écarte le pantalon et lui donne l’accolade. L’affaire dure une minute, après laquelle Michel se retire. Laure va dans le cabinet réparer le désordre de sa toilette, et revient reprendre la conversation interrompue par la brusque irruption de l’assaillant, comme si rien ne s’était passé entre eux.)

LAURE. Pour m’assurer, mon cher Michel, de votre soumission, je veux vous garrotter comme un larron ; je veux vous obliger à m’aimer enchaîné, les chaînes étant le symbole de l’amour fidèle. Venez ici, monsieur l’orgueilleux, qu’on vous couvre de chaînes.

(Michel sourit à tout ce que dit Laure d’un ton mignard, et lui mange la figure de baisers. Laure s’échappe, prend sur la table de nuit un cordon de sonnette cassé, très long, et revient d’un air triomphant en le brandissant.)

LAURE. Vous voyez, monsieur, que nous avons des chaînes pour retenir nos prisonniers. Donnez vos mains, larron d’amour.

(Il donne ses mains.)

Bien, nous sommes docile, ça prouve que vous serez fidèle.

(Elle lui entortille les poignets, fait deux tours et un nœud par dessus.)

Une idée, monsieur Miche! ; vous avez été très dur pour moi, jusqu’ici ; j’ai résolu de me venger ; et pour ce faire, je vais vous fouetter, comme on fouette un petit polisson, avec la main. Ça vous va-t-il, monsieur de Tanneguy. Le fouet, le fouet sur le cul, au petit Michel.

(Michel, riant comme un fou de l’idée bizarre de Laure, se penche sur le bord du lit, se prêtant à la plaisanterie. Laure sans rien dire, attache un bout de la corde à un coin du lit surmonté d’une boule d’or et prend l’autre bout pour l’attacher à l’autre coin.)

MICHEL (riant). Mais c’est la discipline, comme au club des Flagellantes de Londres.

LAURE (attachant l’autre bout). Absolument, monsieur ; (Elle roule une corde autour des jambes.) mais si, là-bas, c’est pour rire, ici c’est pour pleurer. A moi, mes amies, à moi.

(La porte du cabinet s’entrouvre, Léa et Louisette se précipitent dans le boudoir.)

 

 

3e TABLEAU

LAURE, LÉA, LOUISETTE, MICHEL

LAURE, à Léa et à Louisette en leur donnant les deux bouts de corde. Attachez ces deux bouts de corde aux pieds du lit. Ah ! ah ! monsieur de Tanneguy, vous voilà pris au piège, malgré votre esprit et vos muscles. Vous pensiez vous être joué de Laure impunément ! Vous supposiez qu’elle allait, non seulement vous pardonner vos injures, mais encore vous aimer passionnément, vous choyer, vous dorloter. Laure est Corse, monsieur de Tanneguy, et en Corse se venge. Ah ! vous pensiez que c’était pour rire, que je voulais vous donner le fouet ! eh ! oui, c’était pour rire, car nous allons bien rire, mes amies et moi, mais pas vous qui allez user cette jolie petite cravache, achetée à votre intention.

(Elle fait siffler l’air d’une élégante cravache fine, et flexible. Les deux amies pendant qu’elle pérore ont attaché la corde aux pieds du lit, le plus facilement du monde, car le vicomte, qui a sans doute son plan, n’a pas opposé la moindre résistance, ni essayé de se dégager, et il écoute impassible la haineuse diatribe de Laure la Corse.)

LAURE (continuant). Vous allez en tâter, mon cher, et tout de suite. Nous vous ferons grâce, monsieur le vicomte, quand nous aurons haché votre séant comme de la chair à saucisses, ce qui ne sera pas long, avec un hachoir comme celui-ci ; et vous pourrez crier, hurler tout à votre aise, tous mes domestiques ont congé. Allons mes amies poussez le verrou, en cas de surprise, et baissons lui la culotte.

(On pousse le verrou ; puis on se dispose à mettre à nu le théâtre du châtiment. Au moment ou les deux aînées portent la main sur lui, le vicomte se retourne brusquement, empoigne vivement dans ses bras Laure et Léa atterrées de lui voir les mains libres, et les serre à les écraser, les maintenant immobiles, dans ses mains de fer).

MICHEL (à Louisette, qui tremble de tous ses membres). Toi, Louisette, si tu ne veux pas avoir à t’en repentir, coupe ces cordes qui m’attachent les pieds, avec ces ciseaux que je vois là.

(Louisette obéit en tremblant ; et bientôt le vicomte est libre de tous ses membres).

Toi, Léa, tu vas m’aider à attacher ta douce amie Laure, pour la préparer à recevoir le châtiment qu’elle me destinait ; mais sois sans crainte sur le sort de ton amie ; si je laisse sur son reposoir un souvenir cuisant, je ne veux pas faire de la chair à saucisses de son derrière, car la mignonne en a besoin pour vivre ; s’il est un peu détérioré, quand je le quitterai, ça lui passera vite, et elle pourra reprendre les affaires courantes au bout de quelques jours. Seulement je l’engage, pour son bien, à ne pas publier l’aventure, ni se vanter de l’attentat qu’elle a si habilement dirigé contre moi, et qui a tourné cependant contre elle par sa maladresse.

(Il attache Laure par les poignets et s’adresse à elle.)

MICHEL. Oui, ma belle Laure, vous avez été d’une maladresse insigne. Quand on veut annihiler la résistance d’un homme on l’attache mieux. Vous ne vous êtes donc pas aperçue, en attachant le cordon aux boules d’or de votre lit, que j’en avais gardé un empan dans la main ; car sans soupçonner vos vilaines intentions, je me gardais à carreau, à tout hasard. Bien m’en a pris d’avoir les liens lâches, car pendant qu’on m’attachait les pieds, je délivrais mes poignets, bien assuré qu’avec mes deux mains libres, j’aurais raison de trois femmes, dont une Corse ; c’est pourquoi je ne faisais pas de résistance pendant que vous m’attachiez aux pieds du lit. Et vous m’avez fourni, imprudente Corse, l’instrument de ma vengeance. Elle est fort jolie votre cravache, gland d’argent plaqué d’or, avec incrustation de brillants, fine, flexible, sifflant bien, bien faite pour taillader la peau la plus dure ; ça va entrer dans votre chair, ma charmante, comme dans du beurre ; car ce joli hachoir que vous me destiniez, aimable Laure, va, ô comble d’infortune, servir pour vous, quoiqu’il soit bien dommage de l’abîmer ; car enfin le sang que je dois vous tirer va la tacher ; le mien l’aurait bien tachée aussi. Bah ! puisque vous l’avez voulu. Léa, relevez les jupes de madame de Montreuil ; bien ; déboutonnez son pantalon, rabattez-le, descendez-le, faites-le glisser jusqu’aux talons ; très bien ; relevez maintenant la chemise, épinglez-la dans le haut des vêtements, aux épaules, pour qu’elle ne nous gêne pas dans notre petite opération. Parfait, vous feriez, ma chère Léa, une incomparable camériste, vous déshabillez à merveille. Ainsi étalé ma chère Laurette, votre superbe derrière est admirablement placé pour recevoir le fouet. Je comprends la fortune qu’on peut faire, quand on a, au bas des reins, un semblable trésor, d’une forme merveilleuse, d’un velouté de pêche mûre, arrondi, dodu, dur, ferme, potelé, d’un satin étincelant et d’une neige éblouissante. Je doute que la Vénus Callipyge, à qui les anciens Grecs avaient élevé un temple, exhibât à ses adorateurs un pareil arrondissement, avec une forme aussi pure et des lis aussi blancs, que votre beau cul nous offre, ma chère. Pardon, ça s’appelle ainsi. Quiconque l’a vu une fois, en garde l’éternel souvenir gravé dans ses yeux et dans son cœur. Pourquoi faut-il que la vendetta, car j’ai moi aussi, du sang corse dans les veines, m’oblige, hélas ! à abîmer ce blanc satin, et à changer en rosés ces lis éblouissants.

(Michel fait siffler l’air de sa cravache, effleurant le postérieur sans le toucher).

La peur vous fait déjà un drôle d’effet, ma belle Laure ; voyons celui que vous fera le mal.

(Il la cingle vertement et lui applique six coups de cravache, l’un au-dessous de l’autre, qui s’impriment en longues lignes rouges sur les fesses, qui se remuent convulsivement ; Laure pousse six cris, dont l’intensité va croissant, comme la douleur.)

Ma pauvre Laure ! je suis bien fâché de la leçon qu’il faut que je vous donne. Vous criez comme un chat qu’on écorche, et cependant, vous n’avez rien de déchiré, ma chère ; vous avez là une demi-douzaine de petites raies rouges, qui disparaîtront demain ou dans deux jours au plus tard ; or vous comprenez que le châtiment que vous méritez, doit rester longtemps gravé sur le théâtre de l’exécution, pour qu’il reste longtemps aussi dans votre souvenir. Tenez, ce coup-ci, par exemple, restera sculpté pendant quelques jours, et celui-ci, et celui-là ! En voilà trois que vous pouvez compter. Cependant, ce n’est pas fini.

LAURE (hurlant). Ah ! monstre vomi par l’enfer, bourreau, je te tuerai.

(Michel, sans tenir compte de ses cris, ni de ses menaces, lui applique trois autres coups gui s’abattent, en sifflant d’une façon sinistre, sur la chair tremblante qui se couvre de rubis).

MICHEL. Voilà des perles rouges, des rubis, ma belle, qui forment une brillante parure sur votre opulente mappemonde.

LAURE (sanglotant, et changeant de ton). Oh ! grâce, Michel, grâce ! vous m’avez vaincue, vous m’avez domptée, je t’aime Michel.

MICHEL. Vous me le disiez bien tout à l’heure, et vous vous moquiez de moi. Voyons si votre amour résistera à un dernier coup, que je ne veux vous appliquer que si vous le voulez ; seulement, il vous hachera la chair, il l’entamera profondément, et vous en garderez l’empreinte longtemps ; en me refusant cette suprême marque de sympathie, vous me prouverez que vous me trompez en jurant que vous m’aimez, en l’acceptant vous affirmerez votre amour, car vous vous laisserez dégrader volontairement le plus beau joyau de votre couronne que vous ne pourrez pas laisser voir de longtemps ; mais je ne vous l’administrerai que tout à l’heure, quand j’aurai réglé mes comptes avec vos amies.

(S’adressant à Léa qu’il prend par le bras.)

Léa, ma mignonne, tu te promettais d’assister au dépècement de mon derrière, et d’y prendre grand plaisir ; tu me permettras bien de me venger un peu sur le tien ; ce ne sera pas bien terrible, si tu ne résistes pas ; si tu résistes, ce sera aussi sévère que pour ton amie Laure, qui gémit pitoyablement. Va te mettre à son côté, et accepte de bon gré la petite correction que je te propose.

(Léa approche du lit et se penche en avant.)

Prends tes jupes dans tes mains, et relève-les sur les reins. Bien.

(Il repousse la chemise dans le haut du pantalon, découvrant une partie du derrière.)

Écarte la fente de ton pantalon, tire bien, découvre tes globes, bien, bien, ils sont bien comme ça. Voici ton lot, mignonne, un, deux, trois.

(Il lui cingle trois fois la peau, qui rougit vivement, tandis que la pécheresse éclate en sanglots, après avoir poussé un cri perçant. Il la laisse et s’adresse à Louisette.)

Toi, mon petit cœur, qui est la plus jeune, et la moins coupable, je voudrais bien te faire grâce, mais tes amies seraient jalouses ; et le seul moyen de t’empêcher d’avoir barre sur elles, et de jaser plus tard sur le petit désagrément qui leur arrive, c’est de t’en faire autant. Viens, ma belle, viens te mettre en travers de mes genoux, je veux te corriger comme une petite fille. Fais comme ton amie Léa, accepte de bon cœur la légère fessée que je te destine, si tu ne veux pas faire connaissance avec dame cravache.

(Louisette, qui sait que Michel tient toujours sa parole, vient se mettre en travers de ses genoux, retrousse ses vêtements, et sa chemise, écarte la fente de son pantalon, et attend, résignée, la fessée promise. Michel lève la main et applique lentement comptant jusqu’à douze, des claques sonores, sur le blanc postérieur, qui devient tout rosé, en faisant tout plein de mines plaisantes).

MICHEL (reprenant la cravache). A nous deux maintenant, adorable Laurette. Vous avez reçu la douzaine, et vous paraissez satisfaite. Je vais vous donner pourtant, si vous l’acceptez, le dernier coup. Je vous ai annoncé qu’il serait terrible, celui-là. Votre beau monument, un peu détérioré, en a pour trois jours à reprendre ses lis, tel qu’il est ; si vous acceptez ce dernier, il vous marquera pour longtemps, car il vous hachera la chair, mais vous m’aurez donné une preuve manifeste de votre amour. Dites non, je vous tiens quitte, vous ne m’aimez pas ; dites oui, si vous m’aimez, et je vous dégrade pour longtemps ; mais vous m’avez dit que vous m’aimiez, avec l’accent de la sincérité, et si vous m’adorez assez longtemps, la trace aura le temps de disparaître, avant que vous me remplaciez dans votre cœur ; personne donc, que moi qui en connaîtrai la cause, ne verra la trace du châtiment. Est-ce oui, belle Laure, ou non ?

LAURE (dans un cri passionné). Oui, oui, déchire-moi, hache-moi, que je garde l’empreinte éternelle de ton amour ; tu m’as domptée par ta force, par ton énergie. Je suis à toi pour toujours. Fouette-moi jusqu’à demain, que j’en garde sur toute la surface les traces indélébiles.

MICHEL (charmé, jette la cravache). C’était le seul moyen d’éviter la terrible morsure, que de l’accepter.

(Michel s’agenouille devant la mappemonde brûlante, qu’il couvre de baisers ; puis il se relève, détache Laure, qui lui saute au cou et le mange de caresses).

MICHEL (bon enfant). Nous voilà excellents amis, mes chères belles. Cependant, si toutes trois vous m’aviez vaincu nous serions d’éternels ennemis, et j’aurais bien trouvé un jour ou l’autre, l’occasion et le moyen de me venger. Tout finit bien, parce que dans cette affaire, comme dans la fable, bien qu’ici je sois l’agneau, la raison du plus fort est toujours la meilleure.

(La toile tombe.)

E.D., La nRaison du plus fort est toujours la meilleure, dans Théâtre Naturaliste,
éd. Société des Bibliophiles Cosmopolites, Amsterdam, 1889.

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