Serguine (Jacques) • L’attendrisseur

Serguine (Jacques) • L’attendrisseur

Jacques Serguine est un nom bien connu des amateurs de fessée. Auteur du célèbre Éloge de la fessée (1973), il a également publié plusieurs romans érotiques faisant la part belle à notre fantasme, parmi lesquels Cruelle Zélande (1978) et L’été des jeunes filles (2006).

Le narrateur de L’attendrisseur (2007) vient en aide à une mère dépassée, lui proposant d’incarner l’autorité paternelle et d’administrer des fessées à sa fille, à une condition : par souci d’équité, la mère devra systématiquement subir le même châtiment que sa fille.

Dans le passage que nous proposons ici, la mère aperçoit pour la première fois le narrateur, tandis qu’il donne à sa compagne une bonne fessée déculottée en public.

Fessée publique

    Il advint, pour finir, que Monique Montheil n’acheta rien, mais trouva mieux. Ou même pis. Il était six ou sept heures du soir, et elle longeait un jardin peu étendu, broussailleux, bordé d’un mur bas, lui-même doublé à l’intérieur par des buissons très peu hauts. Le jardin, vu de la petite route, entourait une terrasse cimentée, au niveau du sol, qui faisait suite à une véranda couverte et vitrée, comme un spacieux bow- window, sur le flanc de l’habitation.

    Étaient là, parmi les chaises longues et autres balancelles de la terrasse, une jeune femme brune, d’une beauté sombre et superbe, que Monique se rappelait avoir aperçue sur la plage et dans divers magasins, et un homme mince aux yeux très bleus, mari peut-être ou compagnon de la jeune femme, quoique plus âgé d’une dizaine d’années. (C’est moi.) Bon. La jeune femme porte une salopette blanc écru sur un tee-shirt noir, lequel au lieu de l’estomper accuse son furieux hâle. Monique Montheil, elle ignore pourquoi, ralentit le pas. Une tension peut-elle être ressentie à distance, tension de colère, de désir, de catastrophe ou autre ? La jeune femme, montrant beaucoup d’animation, harangue son compagnon, qui semble-t-il ne l’écoute guère. Il s’assied sur une longue banquette recouverte d’un tissu d’été, et surmontée d’une manière de baldaquin, attire à soi la jeune femme. Tout cela paraît très tranquille, cependant le cœur de Mme Montheil se met à battre, c’est-à-dire dire qu’elle éprouve qu’il bat. Sur la banquette, et sous la grande banne de toile qui protège la terrasse, l’homme fait retomber de côté et d’autre les bretelles de la salopette, puis baisse celle-ci jusqu’aux reins, la jeune femme, entre les genoux de l’homme, tourne le dos à Monique, qui distingue dans la lourde lumière tramée d’ombre de fin d’après- midi, le liseré très blanc d’une culotte ou d’un slip. Son cœur, sans motif compréhensible, bat plus fort, et elle ne sait non plus quelle menace délicieusement bouleversante exerce une pression sur ses tempes. Monique Montheil n’a jamais été indiscrète ni curieuse, elle mourrait plutôt que d’épier les amours d’autres gens ; les siennes même lui ont inspiré et lui inspirent beaucoup de réserve. Pourtant elle demeure comme paralysée. Il suffirait à l’homme de lever les yeux, à la jeune femme de se retourner, ils la surprendraient qui les regarde. Des passants montant ou descendant la petite rue qui est plutôt une allée, elle ne comporte pas de trottoirs, voient, bien sûr, Mme Montheil, mais ne semblent pas apercevoir la terrasse ou y prêter intérêt. L’homme aux yeux clairs, distant et calme comme la scène elle-même, couche la jeune femme en travers de ses cuisses, baisse encore le vêtement roulé ou tassé, puis baisse culotte ou slip, dévoilant un derrière massif, très beau de proportions et sauvage comme la femme, et administre à cette dernière une considérable fessée. Sans avoir, en dépit de sa faible taille, à se dresser, Monique discerne très bien que la victime, ou supposée telle, après une cambrure brusque, et involontaire sans doute, comme une contraction, se détend et se soumet, acceptant d’être fessée ainsi qu’on admet une conclusion juste ; ainsi qu’on admet, chacun, ses propres habitudes ! Le cœur de Monique s’affole, cogne. Elle avait dû pâlir, maintenant elle devine qu’elle rougit, honteuse parce qu’en un autre lieu de son corps elle s’émeut. Elle reçoit elle-même la fessée, frémit, lutte ou affecte de lutter, accepte, se soumet. L’accident insensé se prononce, elle a conscience de la moiteur au creux de son sexe, au secret de sa propre petite culotte. En même temps, elle s’imagine qu’elle est enragée contre cet homme qui bat une femme. Monique, si menue, se sent par ailleurs très jalouse des cuisses et du derrière ronds et pleins de l’inconnue, de leur matité somptueuse. L’homme se fatigue enfin de la fesser, et le derrière trop beau reste un instant tout offert. L’homme remonte le court sous- vêtement, redresse d’une main glissée entre le bras et l’épaule la jeune femme qui se met debout. Il ne s’avise pas de remonter la salopette. L’inconnue, d’une seule main elle aussi, entreprend de remédier à l’oubli. Elle se tient alors de trois-quarts face à Mme Montheil ou vers elle, toujours sans la remarquer, ni remarquer les passants Peut-être rêve-t-elle, rêve, toute rougissante, Mme Montheil, puis l’homme, tandis que l’empiècement chiffonné et la ceinture de la salopette parviennent à la hauteur du nombril, repose les mains sur les côtés, plus ou moins sur les hanches, et baisse à nouveau le tout. Il rebaisse de même, tout aussi soudain, la culotte. Alors le cœur de Monique est sur le point d’éclater : la vulve de l’inconnue, gonflée, saillante dans sa douceur satinée telle celle d’un merveilleux bébé, est toute nue, ni toison, ni même, Monique en est sûre, le plus furtif soupçon d’un duvet. La fente verticale, jusqu’à sa fuite entre les cuisses d’or mat et sombre, est close telle une bouche mystérieuse, sereine. L’homme, mains attardées sur les hanches de la femme, incline la tête, on dirait une salutation par respect, et appuie ses lèvres, on dirait encore usant de toute sa force, sur le tendre sexe, si audacieux à la fois et si vulnérable. La jeune femme, mais la vraie beauté est tout entière hors d’âge, hors du temps, semblable à une grosse fleur d’or sommée de noir, tremble, et Monique tremble tandis que son cœur précipite ses coups sourds. La femme à son tour penche la tête qui se fait lourde, l’homme lève la sienne, ils s’embrassent parce qu’ils sont amants, lèvres, langues sans doute confondues. Les doigts de la jeune femme s’affairent dans la fièvre à desserrer, arracher la chemise, les vêtements de l’homme. Monique, son ventre à elle battant à l’unisson du cœur, se sauve. Ses jambes tremblent. Le mot jouir est répugnant, peut-être même l’acte, subi bien plutôt qu’accompli, de jouir. Monique Montheil ignore qui, de ces gens ou d’elle-même, a été pris sur le fait.

    Mais ce fut bien elle qui rêva beaucoup, ce soir-là.

2 commentaires

  1. Quel délicieux texte dont on devine la tension sensuelle à chaque mot… Il me tarde de l’acquérir pour en jouir de bout en bout !

  2. Parfois avec Serguine, je me demande si ce n’est pas un malentendu : le gaillard est un excellent auteur erotique capable de visualiser et de décrire des situations excitantes et… un très mauvais fesseur. Il en fait son commerce mais on se demande s’il sait ce que c’est…
    Son « éloge de la fessée » est prodigieusement ennuyant !

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