Guénolé (Pierre) • L’étrange passion : la flagellation dans les moeurs d’aujourd’hui

Guénolé (Pierre) • L’étrange passion : la flagellation dans les moeurs d’aujourd’hui

On sait très peu de choses sur ce “Pierre Guénolé”. Il est possible (mais pas certain) qu’il s’agisse de l’un des pseudonymes de l’écrivain français Pierre Mac Orlan. Au-delà de cela…

Également préfacier et probable auteur d’un recueil de nouvelles intitulé Brin de verges – Anecdotes intimes sur la flagellation, il se présente ici comme un honnête scientifique, désireux de consacrer à la flagellation “un livre de bonne foi, sérieux“, loin des “œuvres purement obscènes” ordinairement consacrées au sujet. À la lecture, on aura tôt fait de se gausser de ces prétentions et prendre cet ouvrage pour ce qu’il est vraiment : un recueil d’anecdotes sur la fessée.

Parmi celles-ci, on retiendra cette historiette, présentée comme « rigoureusement véridique » et sur laquelle se conclue l’ouvrage.

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Une anecdote

   En réponse à une annonce conçue dans les termes que nous avons relatés, un monsieur écrivit, disant qu’il était tout disposé à mettre son expérience au service de la dame qui sollicitait des conseils sur une question aussi délicate que l’éducation d’une jeune fille d’un caractère très difficile. La «veuve », qui avait fait l’annonce, répondit, que, parmi plusieurs lettres qu’elle avait reçues, celle de son correspondant lui avait paru surtout digne d’attention et, ajoutant que la consultation ne pourrait se faIre par correspondance, elle fixait un rendez-vous.

   Le monsieur n’eut garde de le manquer, et, le jour suivant, il rendait visite à la veuve, Mme J. Cette personne occupait, dans une maison de respectable apparence, un modeste appartement très bien tenu.

   Elle-même paraissait assez distinguée et s’exprimait avec facilité. Sans autres préambules, la conversation s’engagea sur l’objet de l’annonce, et Mme J. exposa qu’elle était chargée de l’éducation d’une nièce – dont les parents étaient à l’étranger, que la jeune fille en question était une enfant gâtée, mal élevée, très indépendante, ne voulait apprendre quoi que ce soit, ni même permettre à sa tante de l’éduquer un tant soit peu et que, par surcroit, elle n’acceptait ni conseils ni menaces !

   Le monsieur commença par conseiller la privation de friandises, de dessert et même de toilettes ; mais il lui fut répondu que ces petits moyens de coercition n’avaient déjà produit aucun résultat ; il conseilla alors quelques légères punitions manuelles, une ou deux gifles, par exemple ; la dame répondit que sa nièce savait s’en garantir et que, par surcroît, elle ne faisait qu’en rire.

   « Dans ce cas, madame, continua le visiteur, aux grands maux les grands remèdes, et le dernier moyen que je puisse vous conseiller est de lui donner une bonne fessée la prochaine fois qu’elle la méritera. Je puis vous garantir qu’ensuite elle regardera à deux fois aux conséquences de ses actes d’insubordination.

   – Hélas, monsieur, répliqua Mme J., jamais je ne pourrai en venir à bout moi-même : Suzanne (c’était le nom de la jeune fille) se débattra et je ne suis pas assez forte.

   – Mais madame, si je puis vous être de quelque utilité dans la circonstance, soyez certaine que je le ferai avec le plus grand plaisir.

   – Quoi, monsieur, vous seriez réellement assez aimable.? » et ainsi de suite.

   La proposition fut donc acceptée et l’on appela Suzanne. Quoique habillée en petite pensionnaire, c’était une gaillarde potelée à qui sa tante donnait quinze ans, mais qui en paraissait plutôt dix-huit ou vingt, malgré sa robe scandaleusement courte, tombant à peine au-dessous du genou, ses cheveux nattés et son tablier noir ; elle avait l’air d’ailleurs parfaitement effrontée.

   « Eh! bien, mademoiselle, lui dit le visiteur, c’est donc vrai que vous êtes très désobéissante, et que votre tante ne peut pas venir à bout de vous ?

   – Qu’est-ce que cela peut vous faire? répliqua impertinemment Suzanne.

   – Cela me fait beaucoup, répondit le monsieur, car votre tante m’a demandé de vous punir sévèrement si vous continuez à vous conduire de cette façon. Et, pour commencer, vous allez demander pardon et promettre de ne plus recommencer.

   – Je ne promettrai rien du tout, et d’abord ce n’est pas votre affaire.

   – Si vous continuez, Suzanne, je vais être obligé de vous donner le fouet.

   – Ah bien ! si vous croyez que j’ai peur de vous. »

   Sur cette provocation, le monsieur se lève et s’empare de la jeune fille qui essaye de s’échapper et oppose une résistance réelle ou simulée ; elle est cependant bientôt maîtrisée, et, sans plus attendre, le monsieur met sa menace à exécution. Maintenant Suzanne entre ses jambes comme dans un étau, il lui relève sans cérémonie jupes et jupons et sa besogne est d’autant plus facilitée que la jeune fille ne porte pas le moindre pantalon. Son postérieur nu, aussi développé que celui d’une femme, et exposé en plein, reçoit quelques claques.

   « Voulez-vous demander pardon ?

   – Jamais !

   – Vous ne voulez pas ? Parfait. Alors, tenez, tenez… » et ce disant, le monsieur continue à fouetter les globes charnus qui rougissent sous les cinglades.

   Quant à Suzanne, elle ne cédait pas, mais continuait a proférer des impertinences et poussait des cris de fureur.

   « Eh bien ! dit le monsieur, vous décidez-vous à demander pardon ?

   – Jamais, espèce de vieille bête », fut la réponse.

   À cette nouvelle insolence, le monsieur perdit pour tout de bon son sang-froid et se mit à fouetter le derrière de Suzanne beaucoup plus fort qu’avant, si bien que ses propres mains lui cuisirent. Aussi, Suzanne capitula-t-elle bien vite et hurla : « pardon ! assez, assez, laissez moi ! Je ne recommencerai plus ! Assez, pardon, pardon ! »

   Mais dans le feu de son excitation, le monsieur restait sourd à ses supplications et prolongeait la fessée, si bien que la jeune fille, se débattant, réussit, dans un effort désespéré, à se délivrer de l’étreinte de son bourreau et à se réfugier dans un coin de la pièce, tenant à deux mains son postérieur meurtri.

   Pendant que Mme J. le remercie, le monsieur s adressant à Suzanne lui dit d’une voix légèrement tremblante : « Je pense que vous saurez maintenant que l’on peut tout de même venir à bout des mauvaises têtes. »

   Transportée de fureur, Suzanne lui crie une grossière insulte ; à peine l’a-t-elle proférée, que le monsieur s’élance pour la saisir de nouveau, mais elle se roule à terre et s’efforce de lui donner des coups de pied, sans prendre garde aux nudités qu’elle expose ; malgré ses efforts, en quelques secondes, elle est jetée en travers des genoux de son dompteur qui lui inflige une seconde et sévère correction ; elle sanglote, crie, supplie, menace, promet de ne jamais recommencer, mais en vain, la main continue à s’abattre méthodiquement sur ses pauvres fesses devenues rouge brique ; la correction jugée suffisante, elle peut enfin s’échapper et court, en sanglotant, se cacher dans sa chambre.

   En prenant congé, le monsieur eut le bon goût de laisser une pièce d’or sur le marbre de la cheminée et Mme J. ne fit aucune objection à sa générosité. Il renouvela sa visite et, à chaque fois, il eut à fouetter l’incorrigible jeune fille. Il faut ajouter que quelquefois Suzanne se trouva sortie ; mais il y avait, comme par hasard, à ta maison une de ses petites amies aussi mauvaise tête qu’elle et à laquelle le monsieur voulait bien appliquer le même traitement. Et il arriva même que deux jeunes filles se trouvèrent chez Suzanne en même temps que cette dernière ; ces fois-là, le monsieur eût fort à faire et il laissa en partant trois pièces d’or sur la cheminée au lieu d’une.

Pierre Guénolé, L’étrange passion, Office central de librairie, Paris, 1904.

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